Sylvain Lavoie, doctorant en théologie à l'Université Laval (Québec), réagit à la présence médiatique de la religion ces derniers temps. Il s'inspire de Fernand Dumont pour poser la question de la possibilité d'une médiation renouvelée entre foi et culture. Bonne lecture.


FOI ET CULTURE : MÉDIATION ?
Loin d'être indifférents au religieux, les médias en font plutôt un objet de débat de plus en plus virulent.

Manifestation récente à Montréal contre les agressions sexuelles de religieux envers les enfants. Les manchettes liées au religieux font ainsi régulièrement la première page des journaux.

Les récents débats autour de la dissimulation de cas de sévices sexuels par des prêtres pédophiles mettent à l'avant-scène le terrain sur lequel se joue l'interprétation des phénomènes religieux dans la société: les médias d'information. En effet, la place accordée à l'interprétation des phénomènes religieux dans les médias est paradoxale étant donné la baisse de la pratique religieuse des dernières années au Québec.

Loin d'être indifférents au religieux, les médias en font plutôt un objet de débat de plus en plus virulent. Par exemple, les manchettes liées au religieux font la première page des journaux, il est possible de consulter des «cahiers religion» dans certains quotidiens, etc.

Cependant, les récents propos du cardinal Marc Ouellet sur les rapports entre l'Église et les médias marquent plutôt un rapport d'opposition entre ces acteurs. Pour lui, les médias d'information sont un ennemi à abattre, puisqu'il les accuse de «mener une campagne» visant à «discréditer l'Église catholique» (Homélie de Pâques, 4 avril 2010). Mais au-delà de cette opposition, sommes-nous en train d'assister à une mutation du religieux dans l'espace médiatique et à une nouvelle manière pour la religion de s'y inscrire socialement?

Une religion sans culture ?

Les mutations actuelles du religieux soulèvent la question de l'interaction entre la culture et la religion dans l'espace public. En effet, l'inscription de la religion dans les médias d'information se fait d'une façon souvent détachée d'ancrages culturels, au profit de sa reconfiguration en système d'idées très visible. Un exemple est la création de la webtélé ECDQ.TV qui permet de suivre des liturgies en direct, d'écouter des reportages sur les événements diocésains, etc.

Alors que le catholicisme culturel issu de la Révolution tranquille des années 1960 cherchait ses points d'appui dans la culture ambiante, cette forme de médiatisation de la religion implique sa conversion dans des cadres virtuels hors culture. À partir de ce nouveau rapport entre la religion et les médias, nous assistons à des mutations de la religion et de la culture qui laissent place à de nouvelles formes de religiosité «exculturées» (Danièle Hervieu-Léger, 2003) sur lesquelles il faut s'interroger.

Pour ce faire, la perspective de Fernand Dumont sur la culture première et la culture seconde est d'une portée heuristique. Pour Dumont, la culture première correspond au mode de vie quotidien et au vécu, alors que la culture seconde procède d'une distanciation et de la reprise du vécu en expérience réfléchie (par exemple la science, l'art, etc.). Selon cette distinction, il apparaît que la difficulté de la médiatisation de la religion, qui appartient à la culture seconde, concerne le rapport de réflexivité avec la culture première. Les mutations du religieux dans les médias d'information ont alors pour effet de créer deux cultures parallèles, détachées l'une de l'autre. La crise qui en résulte a pour conséquence de distancer les marqueurs religieux et culturels dans la société, au profit de la médiation possible que pourrait constituer la religion dans l'espace public.

Les récents débats médiatiques mentionnés plus haut ont rendu visible cette distanciation de la culture première et de la culture seconde. Pour Marc Ouellet, «l'actualité semble se trouver assez loin de la Bonne Nouvelle. Les médias semblent converger pour mettre en doute la Bonne Nouvelle» (Homélie de Pâques, 4 avril 2010). Ces propos illustrent bien la distance entre le «message» chrétien et son interprétation dans les médias. Deux cultures distinctes se côtoient dans l'espace public, sans médiation possible. Toutefois, la conséquence est que cette forme de médiatisation du religieux, non réflexive, ne permet pas de créer d'espace de dialogue entre la culture et la religion.

Une nouvelle forme de religiosité : l'identité

Cet état de fait met en évidence un autre déplacement du religieux dans les dernières années: la transformation des conditions de la prise de parole croyante dans la société. Nous sommes passés de la prise de parole publique sur des enjeux sociaux à des demandes de reconnaissance identitaire.

En effet, la foi reléguée à la sphère du privé a souvent du mal à se situer dans l'espace social marqué par le pluralisme. L'attitude à adopter est alors celle de l'opposition avec la culture. Devant le tourment subi par l'Église, il faut que les chrétiens affirment leur foi «humblement et fidèlement dans un monde hostile. Il faut répondre à la haine par l'amour et répondre à la persécution par la patience et même le martyre» (Marc Ouellet, 4 avril 2010).

Cette attitude proposée fait de la foi chrétienne un objet à proclamer dans l'espace public contre l'adversité. L'enjeu consiste alors en une affirmation renouvelée de l'identité catholique qui se manifeste par une visibilité sociale accentuée par les médias de l'information. Cependant, cette logique identitaire ne permet pas de penser les conditions du lien social et l'inscription de la religion dans l'espace public.

Espace de médiation

Dans son livre L'Institution de la théologie (1987), Fernand Dumont expose que la «renaissance» de la religion au Québec serait possible à condition qu'elle puisse se faire médiation dans la culture. Cette médiation demande toutefois de repenser la fonction sociale du religieux dans la société. Alors que le religieux garantissait autrefois une identité collective, il permet aujourd'hui davantage de répondre aux individus en quête de besoins dans une logique de marché (Raymond Lemieux, 2005).

La fonction de tranquillité sociale jouée par le religieux est devenue un support pour des individus qui veulent faire valoir la spécificité de leur droit dans l'espace public. Le religieux devient alors l'objet d'une régulation complètement différente de celle connue jusque-là, qui favorise un rapport identitaire entre le client et l'objet consommé.

La conséquence de ce rapport a pour effet de redéfinir la religion en nouvelles formes de religiosité qui sont en exil de la culture. Ces religiosités se définissent par la modalité d'un «pur religieux» (Olivier Roy, 2008) souvent hostile au monde profane. Cette situation laisse entrevoir le dualisme dans lequel se vivent les rapports au religieux aujourd'hui.

Est-il possible de penser autrement le rôle culturel que pourrait avoir la religion dans l'espace public? Il faudra certainement réfléchir à de nouvelles modalités réflexives pour penser ce rapport sous forme de médiation. Dans ce sens, l'analyse des débats médiatiques des derniers jours donne une piste de réflexion intéressante, puisqu'elle permet de penser les modalités des rapports entre la religion et la culture, au risque de s'en détacher.



Sylvain Lavoie - Doctorant en théologie à l'Université Laval


Cet article a été publié dans
le journal Le Devoir du 19 avril 2010 sous le titre Église et médias : Conflit ou nouvelle religiosité ? Il est reproduit avec l'autorisation de l'auteur.

http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/287222/eglise-et-medias-conflit-ou-nouvelle-religiosite

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L’Église catholique, je ne l’ai pas choisie. Je suis née dedans comme je suis née au Témiscamingue, dans la province de Québec. J’y ai grandi dans la peur du Dieu qu’on m’a présenté, comme j’ai grandi sous la férule du régime de Duplessis. C’était comme ça ! Ah! si je m’en souviens! L’œil de Dieu qui nous surveille, nous contrôle et nous punit ! Le Dieu de mon enfance n’était pas pour moi une Personne, un Père, mais un Oeil ! Grand Dieu ! Tout ce qu’il fallait faire pour ne pas déplaire à cet OEIL ! ..


MOI, POURQUOI JE RESTE ?
Oui, c'est l'Église qui m'a faite, mais c'est aussi l'Église qui m'a changée. À mesure qu'en elle, j'ai découvert le Dieu de Jésus-Christ, l'Évangile, le renouveau catéchétique, le Concile Vatican II, là, j'ai changé complètement de Dieu ! Le Dieu « empereur » est devenu le Dieu « Amour », incarné en Jésus, et semé en chacun(e) de nous. C'est toute la différence ! Dieu n'apparaît pas, il transparaît, disait Maurice Zundel.

Hélas ! dans cette Église que j'aime et qui a changé aussi, je ne reconnais pas toujours le Dieu de l'Évangile et les attitudes de Jésus. Et j'en suis déçue, peinée, et parfois, en colère. Malgré tout, je veux bien continuer de vivre dedans, avec ses défauts et ses manques (les miens aussi!), mais je ne peux pas me taire! Quelque chose me brûle en dedans. Et quand je regarde Jésus, je me console en pensant que lui aussi a dit avec force, son désaccord avec les autorités religieuses de son temps. Il n'a pas ménagé sa critique contre ce qui pouvait encombrer, fausser ou pervertir la religion voulue par son Père. Et quand on lit Matthieu 23, 13-30, Jésus est intraitable: « Malheur à vous, guides de la Loi et Pharisiens hypocrites... serpents, race de vipères... votre maison sera laissée vide » . Le Dieu de la vie n'a d'autre dogmatique que celle de l'amour, celle du service. Il me semble que la foi en Jésus ne peut que désirer la critique des croyants qui veulent une Église à l'image de l'Évangile.

Le soir de l'accession au cardinalat de Mgr Ouellet, j'étais perchée, en haut du jubé de l'église St-Roch, aux dernières places, derrière les colonnes, avec les pauvres et les « minables » de la société. J'y ai entendu une seule parole, qui m'est restée et qui semblait être tout un programme : « Repartir du Christ ». Mais au fur et à mesure qu'après, se défilaient les discours et les gestes posés, il fallait constater que nous ne repartions pas du Christ, mais plutôt du Concile de Trente, effleurant à peine Vatican II. Mais où est-il donc l'Esprit promis par Jésus, qui nous fait entendre aujourd'hui, le message intouchable de l'Évangile ? L'Église n'est-elle pas appelée à s'incarner dans l'histoire en marche ? Le Royaume de Dieu ne marcha pas à reculons. Dieu n'est pas bloqué dans les années 30. Il marche avec nous aujourd'hui, dans le monde post-moderne que nous habitons, avec nos avancées et nos reculs, avec nos générosités et nos faiblesses et surtout, avec cette étincelle de Lui, semée en nous comme une boussole qui nous indique le sens. Il est urgent de trouver un nouveau langage pour dire que l'Évangile est une Nouvelle, BONNE pour tout le monde !

J'ai mal à mon Église quand on porte sur le peuple québécois un regard négatif, comme s'il était le champion du divorce, de l'avortement, du suicide, de l'abandon de la religion, sans s'apercevoir de sa générosité, de sa recherche de sens, de sa créativité et de sa prodigieuse hospitalité.

J'ai mal à mon Église quand j'entends un langage de peur qui a de quoi éteindre toutes les flammes : peur du modernisme, peur du relativisme, peur de la culture de la mort. Plutôt qu'une morale d'interdiction et de condamnation, pourquoi pas une morale d'invitation, d'appel, d'évolution ? « N'aie pas peur », disait Jésus. Il disait encore : « Si tu veux »... « Lève-toi, prends ton grabat et marche ».

J'ai mal à mon Église quand je vois condamner ou bâillonner les théologiens « progressistes », de même quand je vois mettre en veilleuse la théologie de la libération.

J'ai mal à mon Église quand, dans le langage de Vatican II, on a fait la promotion du laïcat et que dans la pratique, il n'y a pas grand-chose de changé. Les laïcs n'ont pas plus de pouvoir ni d'autonomie qu'avant, même s'il y a plus de liberté de parole. Ils doivent accepter tout sans récriminer, comme si l'Esprit de Dieu était seulement dans la hiérarchie.

J'ai mal à mon Église quand le peuple de Dieu manque de prêtres et qu'on refuse le sacerdoce ministériel à des baptisé(e)s capables d'assumer cette responsabilité.

J'ai mal à mon Église quand on refuse toujours la communion eucharistique aux divorcés remariés et qu'on abolit les si belles célébrations communautaires du pardon avec absolution collective, alors que les gens venaient, plein l'église.

Même si je ne me sens pas toujours confortable dans mon Église catholique romaine, je me console en pensant que cette vieille Mère Église flotte encore, contre vents et marées, depuis 2000 ans, avec la seule parole qui la tient debout : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du temps (Mt 28, 20). Je me console aussi en pensant que pour son Église, Jésus semble avoir voulu une structure égalitaire, ressemblant davantage à celle d'une famille dans laquelle l'autorité est exercée au service des autres :« Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9, 35). Jésus n'a pas créé de hiérarchie, n'a pas décrété de dogmes, n'a pas imposé de droit canonique. Il n'a parlé que de la bonté de Dieu. Il n'a prêché que le partage, le pardon et la paix.

Mais au-delà de la structure, l'Église est aussi le Corps du Christ. Cette Église mystérieuse, faite de pierres vivantes, fraternelle et sans exclusion, elle a un visage visible. Je la touche aussi, surtout au ras du sol et dans les marges, dans les groupes restreints, dans la multitude des réseaux de solidarité qui s'engagent pour un monde de justice et de fraternité. Mais cela ne va jamais de soi : je crois que nos communautés humaines seront toujours imparfaites, fragiles et source de déceptions.

La vraie communauté est invisible à nos yeux : c'est la communion des saints où, avec nos différences et nos préoccupations, nous sommes uni(e)s dans le même Corps du Christ. Oui, je reste, parce que l'Église, c'est d'abord nous, temple de pierres vivantes, où il n'y a ni mortier ni ciment, car ce qui nous tient ensemble, c'est Jésus, pierre angulaire. C'est son amour qui nous cimente les uns aux autres.

Je reste dans l'Église d'aujourd'hui et de toujours parce que je garde toute ma confiance en Jésus le Vivant, parce que je désire toujours traduire en actes, tant bien que mal, son Évangile, et que je veux vivre en communion avec tous mes frères et soeurs

Laurette Lepage

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09/03/2010

Réflexions

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L'abbé Roger Labbé nous fait parvenir ces réflexions "songées" d'un évêque brésilien s'inspirant du mot du cardinal Martini, ancien archevêque de Milan :« Aujourd'hui je n?~Rai plus ces rêvess
». (tiré de la lettre circulaire de Mgr Pedro Casaldáliga, évêque ?| la retraite du diocèse brésilien de São Felix do Araguaia et traduit par l'abbé Claude Lacaille).


REVER UNE EGLISE POUR DEMAIN?
Le cardinal Carlo M. Martini, jésuite, bibliste, ancien archevêque de Milan et mon collègue de Parkinson, est un ecclésiastique de dialogue, d'accueil, de rénovation à fond, autant dans l'Église que dans la société. Dans son livre de confidences et de confessions Colloques nocturnes à Jérusalem, il déclare : « Avant j'avais des rêves à propos de l'Église. Je rêvais d'une Église qui parcourt son chemin dans la pauvreté et l'humilité, qui ne dépend pas des pouvoirs de ce monde; dans laquelle est extirpée la racine de la méfiance; qui donne de la place aux gens qui pensent avec plus d'ouverture; qui encourage, spécialement ceux qui se sentent petits et pécheurs. Je rêvais d'une Église jeune. Aujourd'hui, je n'ai plus ces rêves. » Cette affirmation catégorique de Martini n'est pas, ne peut pas être une déclaration d'échec, de déception ecclésiale, de renonciation à l'utopie. Martini continue de ne rêver à rien d'autre qu'au Royaume, qui est l'utopie des utopies, un rêve de Dieu lui-même.

Lui et des millions de personnes dans l'Église, nous rêvons de « l'autre Église possible », au service d' « un autre monde possible ». Et le cardinal Martini est un bon témoin et un bon guide sur ce chemin alternatif; il l'a démontré.

Autant dans l'Église (dans l'Église de Jésus formée de plusieurs Églises) que dans la société (formée de divers peuples, diverses cultures, divers processus historiques) aujourd'hui plus que jamais, nous devons nous radicaliser dans la recherche de la justice et de la paix, de la dignité humaine et de la dignité dans l'altérité, du véritable progrès à l'intérieur d'une écologie profonde. Et comme le dit Bobbio, « il faut installer la liberté dans le coeur même de l'égalité »; aujourd'hui avec une vision et une action strictement mondiales. C'est l'autre globalisation, celle que revendiquent nos penseurs, nos militants, nos martyrs, nos affamés…

La grande crise économique actuelle est une crise globale de l'humanité qui ne sera résolue par aucun type de capitalisme, parce qu'il ne peut y avoir un capitalisme humain; le capitalisme continue à être homicide, écocide et suicidaire. Il n'y a pas moyen de servir simultanément le dieu des banques et le Dieu de la Vie, de conjuguer l'arrogance et l'usure avec la convivialité fraternelle. La question charnière est celle-ci: Faut-il sauver le système ou sauver l'humanité? A grandes crises, grandes opportunités. En langue chinoise, le mot crise se dédouble en deux sens : crise comme danger, crise comme opportunité.

Durant la campagne électorale aux États-Unis, on a brandi à répétition le « rêve de Luther King », dans l'intention d'actualiser ce rêve; et à l'occasion des 50 ans de la convocation de Vatican II, on a rappelé avec nostalgie le Pacte des catacombes de l'Église servante et pauvre. Le 16 novembre 1965, quelques jours avant la clôture du concile, 40 pères conciliaires ont célébré l'eucharistie dans les catacombes romaines de Domitila et ont signé le Pacte des catacombes. Dom Helder Camara, qui célébrerait son 100ième anniversaire de naissance cette année, était l'un des principaux animateurs du groupe prophétique. Le Pacte en ses 13 points insiste sur la pauvreté évangélique de l'Église, sans titres honorifiques, sans privilèges et sans luxes mondains; il insiste sur la collégialité et la coresponsabilité de l'Église comme Peuple de Dieu et sur l'ouverture au monde et l'accueil fraternel.

Aujourd'hui dans la conjoncture convulsionnée actuelle, nous professons que bien des rêves sociaux, politiques, ecclésiaux sont d'actualité et que nous ne pouvons aucunement y renoncer. Nous continuons de rejeter le capitalisme néolibéral, le néo-impérialisme de l'argent et des armes, une économie de marché et de consommation qui ensevelit dans la pauvreté et la faim une grande majorité de l'humanité. Nous continuerons de rejeter toute discrimination pour motif de genre, de culture, de race. Nous exigerons la transformation substantielle des organisations mondiales (ONU, FMI, Banque mondiale, OMC ...) Nous nous engagerons à vivre une « écologie profonde et intégrale », en promouvant une politique agraire-agricole alternative à la politique prédatrice du latifundium, de la monoculture, de l'agro-toxique. Nous participerons aux transformations sociales, politiques, économiques pour une démocratie de « haute intensité ».

Comme Église nous voulons vivre à la lumière de l'Évangile, la passion obsessive de Jésus, le Royaume. Nous voulons être Église de l'option pour les pauvres, communauté oecuménique et macro-oecuménique aussi. Le Dieu en qui nous croyons, l'Abba (Papa) de Jésus, ne peut être en aucune manière la cause de fondamentalismes, d'exclusions, d'inclusions absorbantes, d'orgueil prosélyte. Ça suffit de faire de notre Dieu l'unique vrai Dieu. « Mon Dieu me laisse-t-il voir Dieu? » Avec tout le respect dû au pape Benoît XVI, le dialogue interreligieux n'est pas seulement possible, il est nécessaire. Nous ferons de la coresponsabilité ecclésiale l'expression légitime d'une foi adulte. Nous exigerons, en corrigeant des siècles de discrimination, la pleine égalité de la femme dans la vie et les ministères de l'Église. Nous stimulerons la liberté et le service reconnu de nos théologiens et théologiennes. L'Église sera un réseau de communautés orantes, servantes, prophétiques, témoins de la Bonne Nouvelle: une Bonne Nouvelle de vie, de liberté, d'heureuse communion. Une Bonne Nouvelle de miséricorde, d'accueil, de pardon, de tendresse, samaritaine sur tous les chemins de l'humanité. Nous continuerons de faire en sorte que se vive dans la pratique ecclésiale l'avertissement de Jésus : « Il n'en sera pas ainsi entre vous » (Matthieu 21, 26). Que l'autorité soit service. Le Vatican cessera d'être un État et le pape ne sera plus chef d'État. La Curie devra être réformée en profondeur. Les Églises locales soigneront l'inculturation de l'Évangile et l'administration partagée. L'Église s'engagera sans crainte, sans évasion, dans les grandes causes de la justice et de la paix, des droits humains et de l'égalité reconnue pour tous les peuples. Elle sera prophétie d'annonce, de dénonciation, de consolation. La politique vécue par tous les chrétiens et chrétiennes sera « l'expression la plus élevée de l'amour fraternel. » (Pie XI)

Nous refusons de renoncer à ces rêves même s'ils peuvent apparaître comme des chimères. « Nous chantons encore, nous rêvons encore » Nous nous en tenons à la parole de Jésus : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que puis-je vouloir sinon qu'il s'allume? » (Luc 12, 49). Avec humilité et courage, à la suite de Jésus, nous verrons à vivre ces rêves dans le quotidien de nos vies. Il continuera d'y avoir des crises et l'humanité avec ses religions et ses églises continuera à être sainte et pécheresse. Mais il ne manquera pas de campagnes mondiales de solidarité, de Forums sociaux, de Vías Campesinas, de mouvements populaires, de conquêtes des sans-terres, de pactes écologiques, de chemins alternatifs de notre Amérique, de communautés de base, de processus de réconciliation entre Shalom et Salam, de victoires autochtones et afro, et de toute manière une fois pour toutes « je m'en tiens à ce qui a été dit : l'Espérance ».

À chacun et chacune à qui parviendra cette circulaire fraternelle, en communion de foi religieuse ou de passion humaine, une accolade à la mesure de ces rêves. Les vieux, nous avons encore des visions, dit la bible (Joël 3,1) J'ai lu il y a quelques jours cette définition: « La vieillesse est une espèce d'après-guerre »; pas nécessairement une claudication. Le Parkinson n'est qu'un accident de parcours et nous continuons notre chemin vers le Royaume.





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Traduction : Claude Lacaille

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30/10/2009

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Une opinion de Louis O'Neill, ancien ministre et professeur émérite de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval à Québec: Éthique et culture religieuse - «Youpi, ma religion à moi!»


MA RELIGION A MOI...
«YOUPI, MA RELIGION À MOI!»

Le nouveau cours Ethique et culture religieuse n'a pas fini d'étonner. Qu'on se rappelle à titre d'exemple le cas de cet enseignant qui a demandé à ses élèves de dessiner un nouveau drapeau du Québec parce qu'il estimait que le fleurdelisé ne convenait plus puisqu'on y discerne l'effigie d'une croix. L’enseignant zélé croyait déceler là une atteinte à la laïcité.

Le cours réserve d'autres surprises. C'est ainsi qu'on trouve une perle bizarre dissimulée dans un cahier d'activités destiné aux élèves de premier cycle du secondaire et dont le titre est Partons à l'aventure ! La perle se nomme « Youpi ma religion à moi ! ». Comme aventure, c'est du vrai de vrai.

On invite les jeunes ( 12, 13 ans) à créer leur propre religion « comme moyen pour vérifier leur capacité à saisir les multiples facettes des mouvements religieux ». On précise : « À partir des multiples exemples vus en classe dans le chapitre 1, tu décides de fonder ton propre mouvement religieux pour répondre à ta quête de sens. Ce mouvement doit naître de ton imaginaire ». Production attendue : une description détaillée d'une religion inventée respectant la structure exigée.

Regroupés dans des équipes de quatre les écoliers doivent donc faire appel à leur imaginaire pour réaliser le projet suivant :

*inventer un fondateur et un mythe fondateur ;
*inventer un Dieu ou des dieux et en nommer les attributs ;
*inventer un code moral ;
*inventer un livre sacré ;
*inventer quelques rituels ;
*inventer quelques objets de culte.

On nous dit que ce cahier d'activités n'a pas été officiellement approuvé, donc qu'on ne doit pas prendre l'affaire trop au sérieux. Pourtant, il s'agit bien d'un outil de travail reconnu que l'on met à la disposition des enseignants et des jeunes. On y trouve un tas de trucs sur le vivre-ensemble et le dialogue. Certains éléments sont intéressants, mais le tout projette l'image d'un fouillis où s'entremêlent les bonnes intentions et la confusion. On ne réussit pas à retracer le fil conducteur qui assure l'unité de l'oeuvre. L'ensemble est gentil, sirupeux, un peu gnangnan.

Quant à la perle bizarre, elle suscite une interrogation bien particulière puisqu'elle équivaut à un affront atteignant toutes les religions. Pourtant un des objectifs du cours est, nous dit-on, d'encourager une approche inclusive et tolérante envers les croyances. Or pour en arriver à inventer une bizarrerie pareille il faut au moins implicitement avoir assumé les trois postulats suivants : 1) toutes les religions se valent ; 2) mises ensemble elles ne valent pas grand-chose ;3) aussi bien s'en moquer et en tirer un passe- temps.

Voyons la pratique et tâchons d'imaginer d'éventuelles conséquences. A quatre participants par équipe il serait possible d'inventer cinq ou six religions par classe, chacune avec son ou ses dieux, son code moral, ses rituels. Des centaines de nouvelles religions pourraient ainsi émerger à l'échelle du Québec. Un vrai déferlement de religiosité. Même les adeptes du relativisme et du pluralisme normatif risqueraient d’être emportés par le courant. Les enseignants n'y pourraient rien, car il leur est interdit d’exprimer une opinion personnelle. Brouillard et confusion. Montée prévisible d'un sentiment de mépris envers tout ce qui est religieux. Est-ce là le but recherché ?

On peut heureusement prévoir que le déferlement n'aura pas lieu, car les jeunes sont capables de faire preuve de sens commun, plus que ceux qui ont inventé ce jeu. On peut aussi faire confiance au sens critique de parents qui sauront faire oeuvre d'intelligence et de discernement. Il demeure qu'un dérapage aussi grossier sème l'inquiétude. Des parents se demandent si la potion magique qu'on fait ingurgiter à leurs enfants au nom du vivre-ensemble ne serait pas toxique. Ce qui incite certains d'entre eux à invoquer le droit d'exemption pour les jeunes dont ils ont la charge. Ils appliquent le principe de précaution. C'est une saine prudence qui les incite à agir ainsi.

L'un des grands esprits qui ont concocté le nouveau cours a affirmé avec assurance qu'on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde l'équivalent d'un tel produit pédagogique. En découvrant le jeu Youpi ma religion à moi ! , je suis enclin à croire qu'il a raison. Car il est sûrement hors du commun d'inventer pareil passe-temps dans le domaine religieux. C'est « le bout du bout », comme m'a dit l'un de mes amis, pédagogue renommé qui fut longtemps enseignant et directeur d'école.

LOUIS O'NEILL
Mai 2009


Lettre parue dans l'édition du 4 mai 2009 du journal Le Devoir et reproduite sur le site internet de l'auteur CHRONIQUE DE LOUIS O'NEILL



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08/05/2009

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Christian Rioux, correspondant du journal Le Devoir à Paris, nous livre des réflexions passionnantes sur la visite du pape Benoît XVI Paris et à Lourdes en septembre 2008. "Comment imaginer deux hommes plus différents? écrit-il. D'un côté, un président divorcé deux fois qui fréquente les stars, les yachts luxueux et cultive les déclarations-chocs. De l'autre, un théologien à la voix presque inaudible qui semble se complaire dans des discours truffés de citations latines."


L`ANTI-STAR
Si la visite de Benoît XVI en France cette semaine [12-13 septembre 2008 à Paris et 13-14-15 septembre 2008 à Lourdes] a produit un choc culturel, il était peut-être dans cette brève rencontre avec Nicolas Sarkozy.

Cette visite a pourtant relancé un débat que l'on croyait clos. Le président français en a profité pour faire la promotion de ce qu'il nomme la « laïcité positive ». Discret, le pape s'est contenté de se dire ouvert à « une nouvelle réflexion sur le vrai sens et sur l'importance de la laïcité ». Il avait déjà défini le contexte de sa visite en affirmant : « La foi n'est pas politique et la politique n'est pas une religion. »

On s'interroge depuis quelque temps sur ce que peut bien signifier cette « laïcité positive » qu'évoque régulièrement le président français. Si cette laïcité nouvelle consistait à mettre de côté un vieux discours anticlérical toujours vivace dans certains milieux, pourquoi pas. S'il s'agissait de reconnaître la contribution de la religion catholique à l'histoire de l'humanité, va encore. Mais s'il était question d'abandonner la réserve qui avait jusqu'ici caractérisé tous les présidents de la Ve République, de Charles de Gaulle à Jacques Chirac, il s'agirait d'une autre histoire.

C'est avec raison que de nombreux Français s'irritent aujourd'hui d'un président qui, en rupture avec la tradition, ne cesse d'afficher sa foi à tout propos. Un peu de la même façon qu'à une autre époque, il parlait sans pudeur de sa vie amoureuse. Si la France doit combattre l'anticléricalisme revanchard qui l'a parfois caractérisée, elle peut néanmoins s'enorgueillir de la réserve dont ont fait preuve dans le passé ses représentants dans le domaine religieux. Tout comme elle peut s'enorgueillir d'une école où (comme les policiers et les juges) les enseignants n'ont pas le droit de porter le voile, la croix ou la kipa dans l'exercice de leurs fonctions. Avec pour résultat que, même si le pays accueille les plus grandes communautés juive et musulmane d'Europe, celles-ci ne désertent pas l'école publique au profit de l'école privée. Tous les pays ne peuvent pas afficher un tel bilan.

À suivre cette visite du pape à Paris, on se prend néanmoins à regretter que Benoît XVI n’ait pas honoré de sa présence les festivités du 400e anniversaire de Québec. Peut-être leur aurait-il instillé le regard historique qui leur a tant manqué.

À l'époque du storytelling et des petites phrases, ce pape est un anachronisme. On dirait un homme du XIXe siècle égaré à Disney World. Alors que des milliers de fidèles l'attendent sur le parvis de Notre-Dame, le voilà qui court s'enfermer au collège des Bernardins pour s'adresser à un auditoire composé de 600 intellectuels. Tout cela pour prononcer, dans un français châtié, une conférence ardue sur les origines de la culture européenne et pleine de références à d'obscurs théologiens. Et pourtant, sous les somptueuses arches gothiques du XIIIe siècle, ces 600 esprits, parmi lesquels nombre d'athées et d'agnostiques, se sont pris au jeu.

Je ne suis pas du genre à m’intéresser à la petite cuisine de l’Église. L’ordination des femmes, la messe en latin et le mariage des couples divorcés ne me concernent pas plus que le sexe des imans, des rabbins ou des anges. Mais, à Paris, le pape avait décidé de livrer un message qui concernait tant les croyants que les non-croyants.

Je n'oserai vous résumer un discours dont l'exégèse reste à faire. Disons simplement que Benoît XVI s'est demandé ce qui avait donné naissance à la culture européenne apparue dans des monastères comme celui des Bernardins après la disparition de l'empire romain. Pour le pape, cette culture est née de la recherche de Dieu. Mais, dit-il, elle n'est pas née d'un livre unique, la Bible, mais des Écritures. Des Écritures qui ne prennent leur sens que par les interprétations souvent contradictoires que l'homme en donne. Benoît XVI en déduit qu'à sa source, cette « culture de la parole » d'abord littéraire exclut à la fois le fondamentalisme, pour lequel seul compte le texte, mais aussi l'arbitraire subjectif, pour lequel toutes les interprétations se valent. La culture européenne serait fondée sur cette tension permanente entre la fidélité à un texte, une loi, un héritage, et la liberté de les interpréter.

On aura compris que le pape visait ainsi tous les intégrismes, catholique ou musulman, pour qui le texte est la voix de Dieu. Mais il visait aussi la propension des sociétés modernes à penser que toutes les opinions se valent. Bref, à ne plus chercher la vérité.

C'est pourquoi on peut penser que si le Pape avait investi le séminaire de Québec, comme il l'a fait cette semaine au collège des Bernardins, il aurait fait pâlir de honte le recteur de l'Université Laval, qui a choisi cet été de décerner à Céline Dion un doctorat honoris causa plutôt que demeurer fidèle la vocation de grand savoir de cette institution fondée en 1663. Va pour la légion d'honneur ou l'ordre du Québec, qui peuvent récompenser la réussite. Mais un doctorat n'est-il pas censé récompenser, bien au-delà de la popularité personnelle, ceux et celles qui ont fait avancer la connaissance ?

Qu'est-ce que le relativisme absolu dont parlait précisément Benoît XVI ? C'est justement de confondre Céline Dion avec un savant. C'est de faire croire que, malgré ses qualités réelles, parfois sublimes, une chanteuse populaire est l'équivalent d'un grand mathématicien ou d'un grand poète. Comme si les disques d'or et les Félix ne suffisaient pas. La mystification est peut-être utile pour attirer de lucratives clientèles étudiantes, mais c'est une façon sûre et certaine d'avilir la fonction de l'université. Que dirait-on, demain, si Benoît XVI, lui-même universitaire de haut vol et pianiste à ses heures, recevait un Grammy Award ?

On pourra discuter les opinions du pape autant que l'on voudra, on ne pourra pas dire que ce théologien nous prend pour des imbéciles. Comme certaines de nos élites.

Christian Rioux
Journal "Le Devoir" (Montréal)
vendredi 19 septembre 2008


Source
http://www.ledevoir.com/2008/09/19/206270.html

Tiré de SME-Infonet http://www.webzinemaker.com/sme/, webzine publié par la Société des prêtres du Séminaire de Québec.
24/09/2008

Réflexions

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Benoît XVI lors de sa rencontre les prêtres, diacres et séminaristes du diocèse de Bolzano-Bressanone, le 6 août 2008, durant ses vacances dans les Dolomites italiennes, s'est prêté à des questions auxquelles il a répondu avec simplicité en improvisant de façon familière. J'ai retenu la réponse à celle qui suit parce qu'elle m'a touché, qu'elle est d'une grand richesse et qu'elle nous fait entrer un peu plus dans l'âme de ce pape musicien. Dans cette réponse le pape explique que la raison et la réflexion sur la vérité et la beauté, vont de pair. Les beautés créées par la foi sont « la preuve vivante de la foi », dit-il. Bonne lecture!


BEAUTE, ART, RAISON, FOI
P. Willibald Hopfgartner, o.f.m.

- Très Saint-Père, je m'appelle Willibald Hopfgartner, je suis franciscain et je travaille dans une l'école et dans divers contextes du gouvernement de l'Ordre. Dans votre discours de Ratisbonne vous avez souligné le lien substantiel entre l'Esprit divin et la raison humaine. D'autre part, vous avez également souligné l'importance de l'art et de la beauté, de l'esthétique. Alors, à côté du dialogue conceptuel sur Dieu (en théologie) ne faudrait-il pas toujours réaffirmer l'expérience esthétique de la foi dans le cadre de l'Eglise, pour l'annonce et la liturgie ?

Benoît XVI

- Merci. Oui, je pense que les deux choses vont de pair la raison, la précision, l'honnêteté de la réflexion sur la vérité et la beauté. Une raison qui en quelque sorte voudrait se dévêtir de la beauté, serait diminuée, ce serait une raison aveuglée. Seules deux choses unies forment un ensemble, et pour la foi cette union est importante. La foi doit continuellement affronter les défis de la pensée de cette époque, afin qu'elle ne semble pas une sorte de légende irrationnelle que nous maintiendrions en vie, mais qu'elle soit véritablement une réponse aux grandes questions : afin qu'elle ne soit pas seulement habitude mais vérité - comme le déclara une fois Tertullien. Saint Pierre dans sa première Lettre, avait écrit cette phrase que les théologiens du Moyen Age avaient prise pour une légitimation, presque une commande pour leur travail théologique : "Soyez prêts à tout moment à rendre compte du sens de l'espérance qui est en vous" - apologie du logos de l'espérance, c'est-à-dire qui transforme le logos, la raison, en apologie, en réponse aux hommes. Bien sûr, il était convaincu du fait que la foi était logos, qu'elle était une raison, une lumière qui provient de la Raison créatrice, et non un beau mélange fruit de notre pensée. Voilà pourquoi elle est universelle, c'est pour cela qu'elle peut être communiquée à tous.

Mais ce logos créateur n'est pas seulement un logos technique - nous reviendrons sur cet aspect dans une autre réponse - il est ample, c'est un logos qui est amour et donc capable de s'exprimer dans la beauté et dans le bien. Et, en réalité, j'ai dit un jour que selon moi l'art et les saints sont la plus grande apologie de notre foi. Les arguments portés par la raison sont absolument importants et on ne peut y renoncer, mais il reste toujours quelque part un désaccord. En revanche, si nous regardons les saints, cette grande trace lumineuse par laquelle Dieu a traversé l'histoire, nous voyons que là se trouve véritablement une force de bien qui résiste aux millénaires, il y a véritablement la lumière de la lumière. Et de la même manière, si nous contemplons les beautés créées par la foi, elles sont simplement, dirais-je, la preuve vivante de la foi. Si je regarde cette belle cathédrale : c'est une annonce vivante ! Elle-même nous parle, et partant de la beauté de la cathédrale nous parvenons à annoncer visuellement Dieu, le Christ et tous ses mystères : ici ils ont pris forme et ils nous regardent. Toutes les grandes oeuvres d'art, les cathédrales - les cathédrales gothiques et les splendides églises baroques - sont toutes un signe lumineux de Dieu et donc véritablement une manifestation, une épiphanie de Dieu. Et dans le christianisme il s'agit précisément de cette épiphanie : Dieu est devenu une Epiphanie voilée - il apparaît et il resplendit. Nous venons d'écouter l'orgue dans toute sa splendeur et je pense que la grande musique née dans l'Eglise est une manière de rendre audible et perceptible la vérité de notre foi : du chant grégorien à la musique des cathédrales jusqu'à Palestrina et son époque, jusqu'à Bach puis Mozart, Bruckner et ainsi de suite... En écoutant toutes ces oeuvres - les Passions de Bach, sa Messe en si bémol et les grandes compositions spirituelles de la polyphonie du XVI siècle, de l'école viennoise, de toute la musique même celles des compositeurs mineurs - soudainement nous ressentons : c'est vrai ! Là où naissent des choses de ce genre, il y a la vérité. Sans une intuition qui découvre le vrai centre créateur du monde, une telle beauté ne peut naître. C'est pourquoi je pense que nous devrions toujours faire en sorte que les deux choses aillent ensemble, les porter ensemble. Lorsqu'à notre époque, nous discutons du caractère raisonnable de la foi, nous discutons précisément du fait que la raison ne finit pas où finissent les découvertes expérimentales, elle ne finit pas dans le positivisme ; la théorie de l'évolution voit la vérité, mais n'en voit que la moitié : elle ne voit pas que derrière il y a l'Esprit de la création. Nous luttons pour l'élargissement de la raison et donc pour une raison qui justement soit ouverte aussi au beau et ne doive pas le laisser de côté comme quelque chose de totalement différent et irrationnel. L'art chrétien est un art rationnel - pensons à l'art du gothique et à la grande musique ou même, justement à notre art baroque - mais c'est une expression artistique d'une raison très élargie, dans laquelle le coeur et la raison se rencontrent. Ainsi en est-il. Ceci est, je pense, d'une certaine manière la vérité du christianisme : coeur et raison se rencontrent, beauté et vérité se touchent. Et plus nous-mêmes réussissons à vivre dans la beauté de la vérité, plus la foi pourra redevenir créatrice même à notre époque et s'exprimer sous une forme artistique convaincante.

Alors, cher père Hopfgartner, merci de cette question ; essayons de faire en sorte que les deux catégories, celle de l'esthétique et celle de la noéthique, soient unies et que dans ce vaste cadre se manifeste la totalité et la profondeur de notre foi.

© Copyright : Librairie Editrice du Vatican

Traduction française : L'Osservatore Romano



parler : le signe de la croix.

Autre geste significatif : elle a d'abord voulu s'agenouiller pour prier, sa mère, Yolanda Pulecio, agenouillée à sa droite, et quelques autres personnes, dont des compagnons de captivité. L'aumônier militaire a guidé la prière : trois « Je vous salue Marie », le « Gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit ».
Cliquez ici pour entendre cette prière

La caméra colombienne a fait un gros plan sur le visage recueilli d'Ingrid Betancourt, les yeux fermés. Des images diffusées en direct dans le monde entier, dont, en France, « France 2 ».

Elle montrait à sa mère un rosaire enroulé autour de son poignet gauche. Et lorsque la conférence de presse allait commencer, elle a dit au micro qu'elle voulait d'abord remercier Dieu de sa libération en disant : « Il faut surtout que vous vous joignez à moi pour remercier Dieu d'être libre, parce que j'ai beaucoup prié (...) ».

Et puis, elle remercie l'armée colombienne, pour cette opération « impeccable », « parfaite ». Et puis elle insiste, après le récit de leur libération : « Dieu nous a fait ce miracle, ceci est un miracle ».

Je recommande mes enfants à Dieu

Dans la plaquette « Lettres à maman par-delà l'enfer » (Seuil janvier 2008) qui publie sa lettre de captivité du 24 octobre 2007, rédigée entre 8 h 34 et 15 h 34, elle écrit notamment : « Je recommande mes enfants à Dieu afin que la foi les accompagne toujours et qu'ils ne s'écartent jamais de lui ».

A sa mère, qui lui adresse des messages quotidiens grâce à la radio, elle écrit : « Tous les jours, je me lève en remerciant Dieu de t'avoir. Tous les jours, j'ouvre les yeux à 4 heures et je me prépare, afin d'être bien réveillée lorsque j'écouterai les messages de l'émission « La Carrilera de las 5 ».

Entendre ta voix, sentir ton amour, ta confiance, ton engagement à ne pas me laisser seule, c'est mon espoir quotidien . Tous les jours, je demande à Dieu de te bénir, de te protéger, et de me permettre de pouvoir un jour tout te rendre, te traiter commune reine à mes côtés, parce que je ne supporte pas l'idée d'être à nouveau séparée de toi ».

Elle dit aussi son espérance : « Je me nourris chaque jour de l'espoir d'être ensemble, et nous verrons comment Dieu nous montrera la voie, mais la première chose que je veux te dire, c'est que, sans toi, je n'aurais pas tenu jusque là ».

La prière pour Pinchao

Elle dit aussi sa prière pour « Pinchao », Jhon Frank Pionchao, un policier colombien, ancien otage des FARC pendant presque 9 ans, qui a réussi à s'évader en mai 2007 : il marchera 17 jours dans la jungle sans se faire reprendre. Il a passé trois de ses années de captivité avec Ingrid Betancourt.

« Dis-lui, écrit-elle à sa mère, combien je l'aime et que j'ai prié Dieu pour qu'il survive à son exploit ».
Aux stations de radio qu'elle réussit à capter, elle adresse ce message : « Que Dieu nous donne un jour la possibilité de nous embrasser et de leur rendre une partie de l'énergie que leur voix a inoculée dans nos cœurs, chaque jour de chaque mois de chaque année de cette terrible captivité ».

Et lorsque, sur la tarmac de Catam, un journaliste se présente comme de l'un de ces radios, « Caracol Radio », elle laisse le micro, s'avance vers lui, le serre longuement dans ses bras en guise de remerciement.

Dans cette même lettre, elle tient à envoyer « un salut fraternel à monseigneur Castro et au Père Echeverry ».

Elle souligne : « Ils se sont toujours battus pour nous. Ils ont toujours pris la parole quand le silence et l'oubli nous recouvraient plus que la jungle même ».

Une issue fatale était cependant envisagée comme une possibilité par Ingrid Betancourt, sans pour autant entamer sa foi dans la bonté de Dieu. Elle écrit, toujours à propos de ces deux prêtres : « Que Dieu les guide afin que très vite nous puissions parler de tout cela au passé. Et sinon, si Dieu en décide autrement, nous nous retrouverons au ciel et nous le remercierons pour son infinie miséricorde ».

Dans sa captivité, Ingrid Betancourt avait une Bible. Et, récemment, elle avait reçu ce dictionnaire qu'elle demandait pour ne pas se rouiller intellectuellement.

Mgr Castro et le P. Echeverri

Le Père Dario Echeverri (ou Echeverry) est avocat, spécialiste en Droit canonique, et prêtre Clarétin. Il est secrétaire national de la Commission de conciliation et membre de la Commission de paix de l'Eglise catholique et membre de la Commission de « facilitation » de ELN.

Il est reconnu par le gouvernement et par les FARC comme habilité à faciliter l'élaboration d'un accord humanitaire pour la libération des otages.

Mgr Luis Augusto Castro, évêque de Tunja, a joué un rôle clef dans la négociation avec les FARC.
Il est notamment l'auteur d'un livre intitulé « Réconciliation, individu et communauté en Colombie », qui offre une réflexion sur la réconciliation, à partir de l'expérience de la Colombie. Pour l'évêque, la vraie réconciliation commence lorsqu'une personne peut raconter la violence qu'elle a subie : la parole permet aux victimes de se reconstruire, pour arriver à la réconciliation. Cette réconciliation constitue, pour l'auteur, un évènement « libérateur » qui « vient finalement de Dieu », qui « rapproche ennemis et étrangers dans la mort du Christ ».

Une famille réunie

Ingrid Betancourt est franco-colombienne, et dans sa lettre, comme dans sa déclaration juste après sa libération, elle a remercié sa « douce France », où elle a passé une partie de sa vie et fait des études, rendant hommage à tous ceux qui l'ont soutenue.

« Je suis colombienne mais je suis française, mon coeur est partagé (...) Je vais très vite être avec vous, je rêve d'être en France », a-t-elle dit.

Betancourt ou Bethencourt ou Betancur, est un patronyme d'origine normande répandu en Amérique latine et Astrid Betancourt a déclaré qu'elles ont été éduquée dans l'amour de la France de leurs ancêtres.

A 15 h 25, ce 3 juillet, l'Airbus « République française » a amené à l'aéroport de Bogota les enfants d'Ingrid, Mélanie et Lorenzo Betancourt Delloye, leur père, Fabrice Delloye, et sa sœur Astrid Betancourt, et d'autres membres de sa famille. Ingrid Betancourt est montée à bord de l'avion pour des retrouvailles dans l'intimité. Elle sera demain à Paris : elle viendra par le même avion.

Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, était dans l'avion : il est venu remercier les autorités colombiennes.

Anita S. Bourdin

Extraits d'un article paru dans zenit.org : Le monde vu de Rome, le 3 juillet 2008




Extraits du journal LaCroix

07/07/2008 19:02
Ingrid Betancourt se dit "transformée" par la prière


Dans un entretien à paraître jeudi 10 juillet dans l’hebdomadaire « Pèlerin », Ingrid Betancourt raconte son parcours de foi. Ingrid Betancourt prie, sur le tarmac de l'aéroport de Bogota, juste après sa libération, avec sa mère, mercredi 2 juillet (Photo Vergara/AP).Dimanche 6 juillet au soir, à l’issue de la messe de 22 heures au Sacré-Cœur de Montmartre, à Paris, l’hebdomadaire Pèlerin a longuement rencontré Ingrid Betancourt, l’ex-otage des Farc libérée mercredi dernier en Colombie.

« La dernière fois que j’ai vu mon père, à la veille de mon enlèvement, nous étions assis dans sa chambre, sous une image du Sacré-Cœur », se souvient-elle, racontant comment elle a ensuite, en écoutant Radio Catholica Mundial, découvert la spiritualité du Sacré-Cœur.

« Je me souviens d’une bénédiction en particulier, celle de Jésus promettant de toucher les cœurs durs qui nous font souffrir, confie-t-elle aux journalistes de Pèlerin. Alors, j’ai fait cette prière : “Mon Jésus, je ne t’ai jamais rien demandé parce que tu es tellement grand que j’ai honte de te solliciter. Mais là, je vais te demander quelque chose de très concret. Je ne sais pas ce que cela signifie exactement “se consacrer au Sacré-Cœur”, mais si tu m’annonces, au cours du mois de juin qui est ton mois, la date à laquelle je vais être libérée, je serai toute à toi.” »

Or, le 27 juin, le commandant du camp ordonnait aux prisonniers de préparer leurs affaires car l’un d’entre eux allait être libéré. « Ma libération s’est déroulée de manière très différente, reconnaît-elle, mais le fait est que Jésus a tenu parole : je vis un miracle. »

"Soit on se laisse enlaidir... Soit on choisit l’autre chemin"
Longuement, l’ancienne otage raconte son parcours de foi. « Si je n’avais pas eu le Seigneur à mes côtés, je ne pense pas que j’aurais réussi à grandir dans la douleur, explique-t-elle. Être otage vous place dans une situation de constante humiliation. Vous êtes victime de l’arbitraire complet, vous connaissez le plus vil de l’âme humaine. Face à cela, il y a deux chemins. Soit on se laisse enlaidir, on devient hargneux, vindicatif, on laisse son cœur se remplir de rancune. Soit on choisit l’autre chemin, celui que Jésus nous a montré. Il nous demande : “Bénis ton ennemi.” »

Un chemin qu’elle reconnaît « difficile ». « Pourtant, dès que je faisais l’exercice de prononcer “Bénis ton ennemi” – alors que j’avais envie de dire tout le contraire –, c’était magique, il y avait comme une espèce de… soulagement. » Et Ingrid Betancourt, qui dit avoir vécu « un dialogue constant avec Dieu, à travers l’Évangile », de conclure : « Je sens qu’il y a eu une transformation en moi. »

Bien sûr, elle reconnaît avoir eu des moments de doute. « La première année, c’est vrai, j’étais en lutte contre Dieu. Je lui en voulais terriblement de la mort de mon père, se souvient-elle. Et puis j’ai compris qu’il fallait le remercier, car jamais papa n’aurait pu supporter ces six années d’horreur. Alors, oui, je peux dire que ma foi a grandi. » C’est ainsi qu’elle a pu approfondir son regard sur Marie : « Papa avait une grande dévotion pour la Vierge, alors que moi, je dois dire qu’à l’époque, je trouvais Marie un petit peu… bébête. »

Mais elle a ensuite découvert « une Marie forte, une Marie intelligente, une Marie qui a de l’humour ». Une Marie, aussi, mère comme elle : « Je pensais à sa souffrance de mère, et je lui demandais sans cesse : “Marie, s’il te plaît, occupe-toi de maman et de mes enfants.” (…) Et en disant cela, je sentais qu’elle m’écoutait. Et je m’apaisais. »

"Par des actes, faire que les gens soient touchés"
Si elle a pu tenter de partager cette foi avec d’autres prisonniers, l’ancienne otage dit « avoir renoncé à leur parler de l’Évangile, sans doute parce que je ne savais pas le faire ». « Mais je continuais à prier tous les jours, précise-t-elle. Et ce qui est extraordinaire, c’est que plusieurs de mes compagnons m’ont dit plus tard qu’ils avaient retrouvé la foi grâce à moi. » Comme son ancien compagnon de captivité John Pinchao (2).

« Parler de Dieu, c’est très compliqué, conclut Ingrid Betancourt. Mais on peut, par l’exemple, par des actes, faire que les gens soient touchés. » C’est aussi pour cela qu’elle répond aujourd’hui aux nombreuses sollicitations qui se présentent à elle – elle sera ainsi cet après-midi au Sénat et pourrait se rendre demain à l’Assemblée nationale. « Je me sens tellement redevable, explique-t-elle encore. Je dois tellement à l’amour de tous d’être ici, que je n’arrive pas à dire non. »

Nicolas SENÈZE

(1) Il vient de raconter son histoire dans Évadé de l’enfer (Éd. Florent Massot, 333 p., 19,90 €).




Tiré de SME-Infonet http://www.webzinemaker.com/sme/, webzine publié par la Société des prêtres du Séminaire de Québec.
27/08/2008

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Réflexions

Ces réflexions de Mgr Dagens, évêque d'Angoulême en France et membre de l'Académie française où il dit : «Je ne me résigne pas à la résignation ambiante sur l'avenir du christianisme» peuvent inspirer les catholiques québécois qui vivent eux aussi de tels changements que plusieurs ont envie de baisser les bras.

Quelques pistes évoquées ici pourraient s'appliquer au Québec avec bonheur. Pourquoi pas? Parler de "combativité intérieure" n'est-ce pas une ouverture vers des horizons qui dépassent "l'offre et la demande" dont Mgr Dagens dit: "Nous nous enfermons trop souvent dans la loi de l’offre et de la demande. L’Église serait du côté de l’offre, les autres, du côté de la demande. La demande n’étant pas en accord avec l’offre, il faudrait donc réviser l’offre. C’est idiot !"

L'artisan principal de la « Lettre aux catholiques de France », publiée en 1996 par l'épiscopat français, reconnaît l'affaiblissement institutionnel de l'Église. Mais il récuse les analyses statistiques sur l'avenir du christianisme, qui cachent, à ses yeux, un renouveau en profondeur et actuel de la demande spirituelle

Bonne lecture.


L`OFFRE ET LA DEMANDE
Mgr Claude Dagens, évêque d'Angoulême, a été élu à l'Académie française le 17 avril 2008 au fauteuil de l'historien René Rémond, décédé le 14 avril 2007. Bordelais de naissance, Mgr Dagens, âgé de 67 ans, est évêque d'Angoulême depuis 1993. Il est notamment l'auteur de la "Lettre aux catholiques", une réflexion sur la place de l'Eglise dans la société contemporaine. Ancien élève de l'École normale supérieure et ancien membre de l'École française de Rome, agrégé de l'Université, docteur en lettres et en théologie, Mgr Claude Dagens exerça son ministère de prêtre à Bordeaux, en paroisse et au séminaire interdiocésain, puis à Toulouse, où il enseigna l'histoire des origines chrétiennes tout en étant doyen de la faculté de théologie. Il fut durant six ans évêque auxiliaire de Poitiers, avant d'être nommé évêque d'Angoulême.

La Croix :
Une dizaine d’années après l’enthousiasme suscité par la Lettre aux catholiques de France, la résignation semble dominer la réflexion sur l’avenir des chrétiens. Qu’en pensez-vous ?


Mgr Dagens :
Je conteste le terme d’enthousiasme que vous employez. Car notre Lettre aux catholiques de France a été inégalement reçue : elle est aujourd’hui ignorée de beaucoup, et surtout on l’a parfois comprise comme un bilan du catholicisme français à la fin du XXe siècle, avec une insistance sur notre situation supposée minoritaire.

Pourtant, cette lettre était d’abord un acte de discernement à partir d’une question primordiale : dans les mutations actuelles de la société et de l’Église, qu’est-ce qui s’efface et qu’est-ce qui émerge ? Et comment des catholiques relèvent-ils le défi de la foi ? Ces questions demeurent très actuelles. Et l’obstacle est en effet cette résignation ambiante à laquelle je ne me résigne pas.

Les chiffres sont pourtant implacables…

Nous nous laissons trop facilement déterminer de l’extérieur par des évaluations statistiques : baisse de la pratique religieuse, raréfaction des prêtres, pénurie des vocations, éclatement de la mémoire chrétienne… Ou influencer par une conception de l’Église comme groupe de pression, auquel devraient s’appliquer des catégories sociales et politiques.

Au-delà de ces conditionnements, l’intuition de la Lettre reste toujours valable : quels que soient les difficultés et les obstacles, nous sommes appelés à nous déterminer, non de l’extérieur, mais de l’intérieur de la foi, à partir du premier appel de Jésus à ses disciples, « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. »

Comment vivre concrètement cet appel ?

En appliquant un autre critère, celui du défi. Comme en montagne, il y a deux versants : celui des difficultés et celui des possibilités. Nous avons du mal à les discerner : il y a un affaiblissement incontestable, mais il y a aussi des signes de renouveau en profondeur.

Influencés par des catégories extérieures, beaucoup ne peuvent percevoir ces signes positifs. Dans l’Église, certains catholiques, prêtres et même évêques ne veulent pas les voir… Dans la pauvreté actuelle, se réalise pourtant une recomposition intérieure du tissu de la foi et de l’Église.

Il faut vraiment y croire…

Nous avons peut-être été trop occupés par la réforme des structures régionales et nationales de l’Église. Avec d’autres, je crains que ces réformes nous aient éloignés d’un autre horizon, celui des conditions et des exigences de l’évangélisation. Les conditions c’est que, même en étant moins nombreux, les chrétiens forment l’âme du monde.

Quant aux exigences de l’évangélisation, elles pourraient tenir en deux mots : intériorité et combativité. Madeleine Delbrêl, qui vivait il y a une cinquantaine d’années dans la banlieue de Paris, l’a bien exprimé : la rédemption et l’évangélisation n’arrivent pas de l’extérieur mais passent à travers nous-mêmes, et à travers les gens qui viennent frapper à la porte de l’Église.

Certains courants insistent aujourd’hui sur la combativité intérieure ; ils ont raison, à condition que cette combativité de l’évangélisation soit digne de Jésus. Car Lui ne vient pas de l’extérieur avec la recette de la vie éternelle. Il entre chez Zachée, il parle à la Samaritaine, il marche avec les disciples d’Emmaüs. Cette pastorale du cheminement exige un combat intérieur qui nous appelle à ne pas désespérer quand nous ne sommes pas compris…

Quelles pistes proposez-vous pour l’avenir ?

Le défi est de ne pas nous résigner à n’être que l’Église des catholiques pour les catholiques mais à devenir davantage l’Église catholique du Christ qui n’a pas peur de vivre et d’annoncer le mystère du Christ à tout être humain en attente spirituelle.

Avec quelles priorités ?

Je propose trois pistes. La première consiste à réévaluer l’évangélisation ; il faut décloisonner nos propres catégories. Nous nous enfermons trop souvent dans la loi de l’offre et de la demande. L’Église serait du côté de l’offre, les autres, du côté de la demande. La demande n’étant pas en accord avec l’offre, il faudrait donc réviser l’offre. C’est idiot !

Les demandeurs de Dieu ne sont pas des clients, mais des signes de Dieu. La conversion est certes demandée pour eux mais aussi pour nous-mêmes. Sommes-nous en effet capables de les accueillir et de les aimer comme des signes de Dieu ?


Le deuxième axe touche la liturgie et l’expérience spirituelle. La liturgie est un terrain sensible, mais les signes qu’elle exprime peuvent parler à beaucoup de gens qui ne sont pas familiers du sérail catholique. Il nous faut pratiquer la liturgie non comme un enfermement dans la citadelle catholique mais comme le beau déploiement des signes de la vérité et de l’amour de Dieu.

Lors des baptêmes, des mariages, des obsèques, je suis frappé par l’attention profonde des familles et des personnes présentes : elles sont alors en état d’éveil et d’attente. De même nous ne savons pas assez pratiquer la prière pour elle-même. Non comme un élément parmi d’autres mais comme un temps gratuitement ouvert à Dieu. C’est une demande nouvelle, elle vient des plus jeunes qui attendent ces temps de recueillement et de silence.

Dernier élément, le dialogue. Il y a chez les chrétiens une capacité considérable de relations humaines. Regardez dans les municipalités des villes et villages comme les chrétiens sont sollicités et consultés. Réalisons-nous combien l’Église catholique est profondément liée à d’autres dans notre société laïque ? Il nous faut encore déployer cette capacité de relation.

Une Église idéale existe-t-elle pour demain ?

Il y a une forte tentation à chercher pour demain des solutions immédiates et radicales… Saint Augustin nous a appris à regarder l’Église et la société comme un mélange inextricable. Dieu lui-même a choisi d’habiter notre humanité si mélangée.

De même avons-nous oublié l’eschatologie et sa réalité profonde : l’Éternel est présent dans le temps et les signes du royaume de Dieu sont semés dans la lourde pâte de notre monde. À nous de discerner cette pédagogie divine à base de confiance.

Propos recueillis par Jean-Marie GUENOIS
dans la-Croix.com 11/11/2007 18:35

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Note du webmestre

A propos du dernier livre de Mgr Dagens Méditations sur l'Eglise catholique de France, libre et présente, publié récemnent - avril 2008 - aux éditions du Cerf, on peut lire sur le site de l'éditeur : « Ces paroles de l'apôtre Paul inspirent ce livre qui se présente comme un écho de la grande Méditation sur l'Église du Père Henri de Lubac. Mgr Dagens, qui fut, il y a une dizaine d'années, le maître d'œuvre de la Lettre aux catholiques de France, a voulu livrer dans ces pages son expérience, ses épreuves et ses convictions. En contemplant le travail de Dieu au sein du peuple des baptisés, il montre comment l'Église catholique en France, tout en étant institutionnellement affaiblie, est aussi en état de renouvellement intérieur : elle se reconnaît elle-même non plus comme un bloc, mais comme un corps, peut-être usé ou blessé, mais vivant de la vie du Christ. Elle a le droit de se dire «libre et présente» dans notre société oublieuse de ses racines. Ce livre porte en lui un appel insistant : comprendra-t-on que des temps d'épreuves peuvent être aussi des temps de renaissances, et donc d'espérance ? »

Il est aussi l'auteur de La Nouveauté chrétienne dans la société française. Espoirs et combats d'un évêque (Cerf 2005, Collection L'Histoire à vif), de Le Rosaire de lumière (avec Véronique Margron, Cerf 2003), et de nombreux ouvrages en collaboration.




Tiré de SME-Infonet http://www.webzinemaker.com/sme/, webzine publié par la Société des prêtres du Séminaire de Québec.
17/04/2008

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Retraite au Vatican pour le Carême 2008: Grâce à l'Esprit Saint, Dieu lui-même peut agir dans le chrétien, a expliqué le cardinal Vanhoye, prédicateur invité, jésuite exégète célèbre, en méditant sur le Sang du Christ, lors de la retraite qu'il a prêchée du 11 au 16 février 2008 en présence du pape et de la curie romaine.


NOUVEAUTE DU CHRISTIANISME
Dans sa seconde méditaton de vendredi matin, le 15 février 2008, le prédicateur a achevé sa réflexion sur la Lettre aux Hébreux en commentant sa conclusion solennelle centrée sur la résurrection et l'alliance éternelle.

Le cardinal jésuite français a parcouru les différents niveaux d'approfondissement de la doctrine chrétienne, en passant de la compréhension initiale de la Résurrection de Jésus comme simple restitution de la vie de Dieu au Fils, à la Résurrection en tant que fruit de l'intervention de l'Esprit Saint, le souffle vital de Dieu. Le cardinal Vanhoye a souligné le lien, mis en lumière par la Lettre aux Hébreux, entre l'Esprit de vie et le sang, ce dernier déjà considéré comme sacré par les Anciens et par la Bible parce que porteur du souffle de vie. Une intuition correcte confirmée par la science lorsque l'on a découvert que c'est le sang qui oxygène le corps, et qui porte le « souffle » de la respiration humaine aux cellules.

« De même que nous respirons l'air de l'atmosphère pour oxygéner notre sang et le rendre capable de vivifier tout le corps, de même le Christ dans sa Passion, par sa prière intense a ‘respiré' l'Esprit Saint. Pour vaincre la peur de la mort, il a prié, supplié, il a reçu l'Esprit Saint qui est entré en lui et l'a poussé à offrir sa vie en don d'amour. Nous pouvons dire que dans la Passion, le sang du Christ s'est imprégné de l'Esprit Saint, et qu'il a ainsi acquis la capacité de communiquer une vie nouvelle et de fonder la Nouvelle Alliance ».

En réfléchissant à ce nouveau rapport entre Dieu et l'homme, par le Christ, l'auteur de la Lettre aux Hébreux a lui aussi une intiuition qui, selon le cardinal Vanhoye, exprime une vérité du christianisme à une profondeur jamais atteinte jusque là. L'auteur ne souhaite pas seulement aux chrétiens de faire la volonté de Dieu mais que Dieu lui-même fasse en eux ce qui lui plaît.

« Il nous est ainsi montré ce qui me paraît être l'élément le plus profond de la Nouvelle Alliance. Le fait que nous recevons en nous l'action de Dieu. Dans l'Ancienne Alliance, Dieu prescrivait ce que l'on devait faire, à travers une loi extérieure. Ce type d'alliance n'a pas fonctionné, parce que l'homme n'est pas capable par ses seules forces d'accomplir la volonté de Dieu. C'est pourquoi le Seigneur a voulu instituer une Nouvelle Alliance : il a promis d'écrire sa loi dans le cœur de l'homme, de lui donner un cœur nouveau et de lui donner son Esprit (...). La Nouvelle Alliance ne consiste donc pas seulement dans la réception des lois de Dieu à l'intérieur de notre cœur, mais dans la réception de l'action de Dieu même en nous ».

Dans l'Évangile de saint Jean aussi, a rappelé le cardinal Vanhoye, le Christ parle de ses œuvres comme d'un don du Père. Cela vaut pour les chrétiens qui sont accompagnés dès la fondation de l'Eglise de la certitude exprimée par Jésus de pouvoir accomplir des œuvres encore plus grandes que les siennes : ou plutôt, accomplies par le Christ lui-même à travers leur intelligence, leur générosité, leur dévouement.

Anita S. Bourdin

ROME, Dimanche 17 février 2008
paru dans zenit.org 2008


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Voici un extrait de son dernier ouvrage en français : « Le don du Christ. Lecture spirituelle », chez Bayard, collection Christus en mars 2005 (240 pages).

Dans cet ouvrage, le Père Vanhoye, qui est considéré comme l’un des meilleurs connaisseurs de l’épître aux Hébreux, nous introduit à une lecture spirituelle du mystère du Christ, tel qu’il peut être perçu dans la prière.

Extrait de “ La prière des chrétiens dans l’épître aux Hébreux ” p. 41-42

Quelle doit être la prière des chrétiens ? Que nous dit sur la question l’Épître aux Hébreux ?
Bien entendu, nous ne trouvons pas dans cette épître un exposé méthodique sur la prière chrétienne, encore qu’elle nous fournisse de précieuses indications.

Pour commencer, l’auteur invite les fidèles à la prière de contemplation. Dans deux passages, nous lisons une exhortation explicite dans ce sens, et dans deux perspectives différentes. Cela constitue, à mon avis, un aspect original de la prédication de l’auteur, sans parallèle dans le Nouveau Testament.

La contemplation de Jésus vivant

La première invitation à la contemplation chrétienne se trouve au début du chapitre 3. S’adressant aux fidèles l’auteur leur dit : “ Frères saints, vous qui avez en partage une vocation céleste, fixez bien votre regard sur Jésus, apôtre et grand-prêtre de la foi que nous professons : il est digne de foi pour celui qui l’a constitué... ” Dans ce texte, il s’agit incontestablement de la contemplation chrétienne, parce que l’auteur n’appelle pas l’attention sur une idée abstraite, sur quelque vérité métaphysique, mais sur la personne de Jésus ; il invite à regarder Jésus. Cette contemplation, remarquons-le, ne se réfère pas à la vie terrestre de Jésus, n’implique pas un retour au passé, mais concerne la situation actuelle de Jésus. Les fidèles sont exhortés à contempler le Christ glorieux, jouissant de sa gloire devant Dieu qui l’en a jugé digne. La phrase suivante évoque la gloire du Christ, supérieure à celle de Moïse. Cette orientation vers le Christ glorieux est une attitude spontanée de l’auteur, qui commence chaque partie de son discours par une contemplation du Christ dans sa gloire actuelle. La situation religieuse du chrétien se définit avant tout par sa relation avec le Christ tel qu’il est maintenant, c’est-à-dire avec le Christ vivant, avec le Christ ressuscité et glorifié, intronisé à la droite du Père ; et la prière chrétienne doit avant tout raviver cette relation, la rendre plus consciente : “ Fixez bien votre regard sur Jésus... ”

Cette prière contemplative est d’une importance fondamentale pour la vie chrétienne ; elle est d’une inépuisable fécondité. Quel fruit en espère l’auteur ? En premier lieu, un renforcement de la foi : le Christ ressuscité est reconnu “ digne de foi ”. Il a droit à notre adhésion sans réserve : “ Puisque nous avons un grand-prêtre souverain qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, tenons ferme la profession de notre foi ” (He 4,4). En second lieu, la contemplation du Christ glorifié produit une autre forme de prière, que nous pouvons appeler la prière de l’écoute. En effet, l’auteur joint directement son invitation à la contemplation à une exhortation à l’écoute, employant les paroles du psaume 95 : “ Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ” (He 3,7-8 ; Ps 95,7-8). Ces paroles sont répétées à trois reprises pour marquer les trois subdivisions d’une longue exhortation.

La contemplation du chrétien n’est par conséquent pas destinée à demeurer passive : elle n’est pas une attitude de spectateurs, sans engagement. Bien plus, la contemplation de la gloire du Christ nous rend attentifs à un appel qui nous met en mouvement et produit la docilité active ; nous rend plus conscients de notre “ vocation céleste ” (He 3,1) ; nous invite à entrer dans le royaume de Dieu sans retard. La même relation contemplation-écoute est perçue dans l’épisode évangélique de la transfiguration : Pierre, Jacques et Jean eurent le privilège de contempler la gloire divine du Christ, mais ils furent invités à passer de la vision à l’écoute : “ Survint une nuée qui les prit sous son ombre, et de la nuée partit une voix : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le!” ” (Mc 9,7). L’auteur de l’épître adopte la même perspective.



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18/02/2008

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L'existence de Dieu est une question oubliée dans la philosophie contemporaine. Ne pas la poser va-t-il de soi? L'abandon de cette interrogation marque un appauvrissement et a tout à voir avec une transformation de la notion d'existence. Les réflexions de Jean Grondin, professeur à l'Université de Montréal, auteur spécialiste de la philosophie allemande et de l'histoire de la métaphysique sont des plus stimulantes. Les livres du professeur Grondin sont traduits dans une dizaine de langues.


EXISTENCE DE DIEU: QUESTION?
Il fut un temps où les philosophes n'avaient pas de souci plus pressant que de traiter de l'existence de Dieu. La question a tenu en haleine les plus grands esprits, Aristote, Cicéron, Augustin, Thomas d'Aquin, Descartes, Spinoza, Kant, Hegel et tant d'autres, mais elle est un peu disparue de nos débats philosophiques. Il est permis d'y voir un appauvrissement. Aujourd'hui, on demande aux philosophes de se justifier en montrant que leurs idées permettent d'éclairer tel ou tel problème politique ou social qui agite les manchettes.

Il se pourrait qu'on confonde ici la philosophie avec la science politique ou le journalisme (digne profession, par ailleurs). La philosophie ne peut guère se justifier qu'en étant elle-même, donc en demeurant fidèle à ses interrogations fondamentales.

La question de l'existence de Dieu en fait partie. Ici, le terme le plus difficile, le plus mécontemporain, est sans doute celui de Dieu. Or, par déformation philosophique, je me concentrerai sur le premier, l'existence, qui sera le terme le moins problématique pour le commun des mortels. (C'est pourquoi je n'aborderai pas du tout ici le débat assez malheureux, mais très ancien, sur l'intelligent design.)

Le triomphe du «nominalisme»

C'est que la plupart des esprits, pour peu qu'ils y réfléchissent, s'entendront sans peine sur le sens à donner à la notion d'existence: exister, c'est être plutôt que de n'être pas, c'est-à-dire survenir réellement dans l'espace, existence qui se laisse attester par nos sens. Cette table ou ce journal existent, par exemple, parce qu'ils sont là devant moi, observables, etc. On ne le sait pas toujours, mais c'est là une conception bien particulière, et relativement récente, de l'existence, qu'on peut qualifier de nominaliste. Pour le nominalisme n'existent que des réalités individuelles, matérielles, donc perceptibles dans l'espace et dans le temps.

Ainsi, pour le nominalisme, les tables et les pommes existent mais les licornes ou le père Noël n'existent pas, ce sont des «fictions». Pour lui, les notions universelles n'existent pas non plus, ce ne sont que des noms (d'où l'appellation de «nominalisme»), des inventions servant à désigner un ensemble d'individus possédant telle ou telle caractéristique commune, individuellement perceptible.

C'est là une conception de l'existence si évidente, qui détermine de façon si puissante notre pensée, que nous oublions tous qu'il s'agit d'une conception bien particulière de l'existence, celle qui accorde la priorité exclusive de l'être à l'existence individuelle et contingente.

Il est au moins une autre conception de l'être qui est plus ancienne et contre laquelle la conception nominaliste s'est patiemment élaborée. Au vu de la conception moderne et nominaliste, c'est une conception qui paraîtra bizarre au possible, a fortiori à notre époque. C'est la conception qui comprend l'être non pas comme existence individuelle mais comme manifestation de l'essence, dont l'évidence est première. L'essence est ici première! Cela nous paraît incongru parce que, pour nous, l'essence est seconde, elle se surajoute, «par abstraction», à l'existence individuelle.

Or cette conception était celle des Grecs, de Platon notamment, pour qui l'individuel possède une réalité de second degré. Il est effectivement second par rapport à l'évidence combien plus éblouissante de l'essence (ou de l'espèce, car il s'agit du même terme en grec: eidos) qu'il représente: ainsi, par exemple, un être humain ou une chose belle n'est qu'une manifestation (bien éphémère!) d'une essence (ou d'une espèce). L'essence, comme son beau nom l'indique bien (esse), renferme l'être le plus plein parce que le plus permanent.

Cette conception qui nous paraît si insolite a pourtant porté la pensée occidentale jusqu'à la fin du Moyen Âge. Elle fut critiquée par les auteurs qu'on a appelés nominalistes, dont Guillaume d'Occam (fin XIIIe-1350). Assez ironiquement, sa motivation était avant tout théologique: c'est qu'il estimait que la toute-puissance de Dieu, dont le Moyen Âge tardif avait une vive conscience, paraissait incompatible avec un ordre d'essences éternelles qui viendrait en quelque sorte la limiter.

Si Dieu est tout-puissant, il peut à tout moment bouleverser l'ordre des essences, faire en sorte que l'homme puisse voler, que les citronniers produisent des pommes, etc. Pour Occam, les essences ne sont donc que des noms et succombent à son proverbial rasoir.

Cette conception fut contestée à son époque (entre autres parce qu'elle apparaissait incompatible avec le dogme de l'eucharistie, où la transformation de l'essence est cruciale), mais elle a fini, lentement mais sûrement, par triompher dans la modernité, au point d'éclipser totalement l'autre vision de l'existence.

Ainsi n'existent plus pour la modernité que des entités individuelles et matérielles. Connaître ces réalités, ce n'est plus connaître une essence (car elle existe de moins en moins) mais repérer des régularités ou des lois au sein des réalités individuelles, posées comme premières (même si, pour un Newton, voire pour Einstein lui-même, connaître les lois mathématiques du monde, c'était encore entrapercevoir l'essence divine: «J'affirme que le sentiment religieux cosmique est le motif le plus puissant et le plus noble de la recherche scientifique», affirma Einstein).

Cette conception de l'existence pénètre de part en part la science de la modernité, et il n'est pas surprenant qu'elle ait dominé sa pensée qu'on peut dire «politique», où la prééminence de l'individu s'impose de plus en plus comme la seule réalité fondamentale. Dire que nous vivons dans une société de plus en plus individualiste est la plus triviale banalité du monde. C'est que dans un tel contexte, celui de la modernité, il va de plus en plus de soi que toutes les essences, donc toutes les réalités plus universelles, sont devenues problématiques. On parle depuis peu d'«identité» pour tenter de sauver ces solidarités plus universelles, mais il va de soi, pour le nominalisme ambiant, qu'elles sont secondes et improbables. Il s'agit en fait d'un diaphane souvenir de l'essence qui semble irrémédiablement perdue.

De la science au nominalisme

Ce nominalisme va bien sûr de pair avec l'attention que la science moderne prête à ce qui est immédiatement constatable. Les concepts et les idées qui intéressaient la science traditionnelle sont tous devenus douteux et seconds. Même les sciences humaines, devenues «sociales» dans la foulée de ce processus, ont besoin de positivités individuelles et spatialement observables.

C'est que les idées ne sont plus des manifestations de l'être mais des «faits de société» dont on imagine qu'ils peuvent faire l'objet d'une observation empirique. On calque ici sur les sciences humaines une conception de l'être très évidemment empruntée aux sciences de la réalité physique (à laquelle se réduit désormais tout être). Je n'ai pas l'espace ici pour aborder toutes les implications scientifiques et politiques de cette conception. (Il va de soi, par exemple, que le phénomène du nihilisme trouve sa racine dans le nominalisme.)

Je me contenterai de revenir à mon thème de départ, celui de l'existence de Dieu. C'est une lapalissade de dire que l'existence de Dieu doit nécessairement faire problème dans un cadre nominaliste: Dieu existe-t-il comme une pomme ou une fourmi? Assurément, non. Donc, Dieu n'existe pas pour la modernité, et s'il existe encore dans les croyances, ce n'est justement, pense-t-on, que comme la fiction à laquelle certains individus restent attachés en raison de leurs origines ou de leurs angoisses. La foi n'est plus ici qu'une «attitude» individuelle et subjective, donc problématique.

Mais cela est aussi vrai de toutes les convictions fondamentales, dont on parle depuis peu, empruntant un vocable à l'économie du XIXe siècle, en termes de «valeurs». Entendons: elles valent, c'est-à-dire qu'elles sont rentables, pour tel et tel sujet. Mais cette valeur ne renvoie plus à rien d'objectif. C'est une des conséquences de l'empire du nominalisme.

La conception qui faisait de l'être une manifestation de l'essence, aussi étrange puisse-t-elle paraître, n'avait pas ces difficultés. Car c'est là un phénomène qui ne manque pas de frapper celui qui s'intéresse au phénomène religieux: c'est que l'existence de Dieu n'y fasse jamais problème. Je ne suis pas sûr de connaître des textes de l'Ancien ou du Nouveau Testament, ou du Coran, où l'existence de Dieu fasse réellement problème, où, par exemple, la question de Thomas d'Aquin, «an sit Deus?», «est-il un Dieu?», ait sérieusement été posée. Elle l'est peut-être ici ou là (dans le Psaume de l'insensé, par exemple) mais n'est nullement centrale.

Cela est plus saisissant encore dans la «religion» grecque: il y a des dieux, car il y a partout des manifestations de l'essence divine. Il s'agit, aimerais-je dire, de l'expérience première de l'être. Elle est si évidente que la question du rapport aux dieux ne se pose jamais, pour les Grecs de l'époque classique, en termes de «croyance». Certes, les spécialistes modernes se posent parfois la question à savoir si les Grecs «croyaient» en leurs dieux, mais ils plaquent sur les Grecs leur vocabulaire nominaliste et moderne.

Un autre indice en est que les Grecs ne se sont jamais interrogés sur l'existence effective d'Ulysse ou de la guerre de Troie, autour desquels gravitaient leurs épopées, alors qu'il s'agit pour l'observateur moderne de questions primordiales (et qui nous empêchent sans doute de comprendre de quoi il y est question). Il faut croire que les Grecs avaient d'autres priorités: il s'agissait pour eux de puissantes manifestations de l'être et du divin. La conception nominaliste de l'être n'existait pas vraiment.

La foi n'est pas un choix

La question du christianisme est intrigante ici. C'est qu'à la différence des Grecs, et dans la continuité du judaïsme, il accorde une plus grande place à la foi, par laquelle nous sommes sauvés, dit même saint Paul. Mais comment comprendre cette foi? C'est là une tâche difficile, surtout pour nous, modernes, qui associons la foi à une forme faible et inférieure de savoir qui relèverait d'un «choix personnel».

Peut-on dire que la foi (pistis) dont il est question dans les textes bibliques relève vraiment d'un choix personnel de l'individu tout-puissant? Ce n'est guère le sentiment qu'on a en lisant ces textes. La foi désigne plutôt un «se tenir» dans l'évidence de l'essence divine, un «se savoir» enveloppé de sa fidélité, qui n'a rien à voir avec un choix qui serait le nôtre.

L'imperfection du nominalisme

Il est un dernier phénomène qui m'intéresse ici, celui de la religion. Assez ironiquement, la modernité y accorde beaucoup d'importance. Or chacun sait que c'est un terme qui n'existe pas en grec. On peut bien sûr, si on y tient, parler de la religion des Grecs, mais les Grecs ne le faisaient pas.

C'est qu'il n'y avait pas, pour eux, une sphère de leur existence qui relevait en propre de la croyance. Les dieux étaient partout, si bien que le rapport à eux ne s'exprimait jamais en termes de «religion».

À ma connaissance, le Nouveau Testament, écrit en grec, n'en parle pas non plus. Et un auteur aussi tardif que Thomas d'Aquin, bien que marqué par le nominalisme, reconnaîtra à la religion un statut assez régional dans une lointaine section de sa Somme: la religio se limite chez lui aux exercices de dévotion de l'homme envers le divin (la prière, par exemple).

Nous sommes ici bien loin d'une conception nominaliste de l'être. Pour elle, la religio fait évidemment problème car elle ne renvoie littéralement à rien, à rien d'assignable. Comment étudier alors la religion? On l'étudie, conformément à la conception nominaliste de l'être, par son seul côté observable: en analysant ses pratiques dans les diverses sociétés, donc sociologiquement.

Mais il se pourrait alors qu'on passe à côté de son essence. Sa puissante survivance dans nos sociétés contemporaines (81 % des Canadiens et des Québécois se disent croyants), si désarçonnante pour les philosophes, a le bonheur de nous rappeler que la conception nominaliste de l'être n'est peut-être pas la seule.


Ces réflexions sont parues dans le journal Le Devoir du samedi 12 janvier et dimanche 13 janvier 2008

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13/01/2008

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Cet article de Michel Vastel, dans le Journal de Québec de samedi le 12 janvier 2008 pose de bonnes questions et relève avec à propos le témoignage de foi de l'ex-président d'Hydro Québec, André Caillé. Bonne lecture.


DIEU ET LE VERGLAS
Quand le ciel leur tombe sur la tête, à qui pensent les Québécois? Au bon Dieu évidemment! Que ceux qui ne l'ont jamais prié au moment des catastrophes naturelles, (tempête du verglas, inondations au Saguenay, tremblements de terre) lèvent la main.



Il y a dix ans, au plus fort de la crise du verglas, le tout-puissant président d'Hydro-Québec avoue lui-même s'être mis à prier: «J'ai regardé le ciel et je Lui ai dit, à Lui, en haut: Arrête ça, on n'en peut plus. On est au bout de nos moyens...» Et pour qu'on ne se méprenne pas, André Caillé a précisé à la radio de Radio Canada: «C'est vrai que je l'ai fait. Oui, je suis croyant. Je m'adressais à Quelqu'un qui pour moi existe réellement. J'ai prié. Je prie, moi...»

Admettez que cet aveu du grand commis de l'État québécois n'est pas commun tout de même ! L'ancien chef libéral, Claude Ryan, avait dit lui aussi qu'il s'en remettait à Dieu dans les moments de graves décisions. Il s'était fait ridiculiser. Mais la profession de foi du président d'Hydro Québec n'a pas soulevé de protestations parmi les radicaux du Mouvement laïque. Aucun rabbin ni imam ne s'est plaint que l'électricité qui éclaire sa synagogue ou sa mosquée soit impie. Et, que je sache, aucun pontife de la presse nationale n'a ridiculisé le pieux personnage. C'est comme si le col roulé d'André Caillé s'était transformé en auréole!

Surprenante cette anecdote alors qu'il est de bon ton, en certains milieux, de taper sur la religion - catholique surtout. Il y a comme une rage, chez certains, de s'en prendre au cardinal Marc Ouellet - archevêque de Québec - qui l'a bien cherché, au pauvre curé Raymond Gravel - député du Bloc - qui n'en demande pas tant, au chef de l'Action démocratique Mario Dumont qui ne le mérite pas, et aux pauvres dames patronnesses des associations catholiques de toutes sortes. Une mode, vous dis-je!

Les antéchrists

Prudents, ces antéchrists ne s'en prennent pas aux juifs ni aux musulmans. Pourquoi ne se paie-t-on pas la traite d'un imam? Ou d'un grand rabbin? Pourquoi ne blasphème-t-on pas le nom de Allah, le Dieu des musulmans, ou celui de Yahvé le Dieu des juifs ? J'avoue que c'est pour moi un grand mystère. Si on veut jouer les anticléricaux, qu'on le soit pour tous les clercs.




Jacques Grand'Maison qui, je l'espère, aura droit au respect des chroniqueurs de la génération des Cégeps, fait remarquer dans son dernier livre Pour un nouvel humanisme' (Fides): «Il y a des préjugés antireligieux doublés d'ignorance aussi déraisonnables que des croyances aveugles. Ce laïcisme a un je ne sais quoi d'intégrisme à l'envers qui contredit son discours de liberté, de tolérance, de dialogue et d'ouverture aux autres...»

Je souhaite que tous les détracteurs de la religion catholique consacrent leur talent de pamphlétaires à dénoncer toutes les religions. Car je me méfie autant des intégristes des mosquées et des synagogues que des grenouilles de bénitier. Et si, par conformisme, on n'est pas prêt à dire du mal des musulmans et des juifs, qu'on n'en dise pas non plus des catholiques, qu'on les laisse en paix et qu'on milite dans le Mouvement laïque pour compenser... Celui-ci se cherche désespérément des membres!


Notes biographiques sur Michel Vastel



Michel Vastel est journaliste pigiste dans la revue l'Actualité et au Journal de Montréal.

M. Vastel a d’abord travaillé au gouvernement du Québec et au Conseil du patronat avant de reprendre son métier de journaliste uccessivement au Devoir, à La Presse et maintenant au Journal de Montréal comme chroniqueur. Il est en outre collaborateur régulier du magazine L’actualité pour les affaires canadiennes. En poste à Ottawa pendant 17 ans, il s’est installé en 1995 à Montréal. Il poursuit sa chronique sur la politique du pays, portant une attention particulière à l’actualité politique des capitales provinciales du Canada anglais. Auteur d’un premier livre, Le Neveu, en 1987, Michel Vastel a également écrit quatre biographies de premiers ministres — Trudeau le Québécois en 1989, Bourassa en 1991, Lucien Bouchard, en attendant la suite… en 1995, Landry, le grand dérangeant en 2001 et Nathalie Simare en 2005. Lire sont commentaire sur la religion et la politique sur son blogue le 11 janvier 2008On peut lire son blogue en tapant ici


Notes biographiques sur André Caillé




André Caillé est administrateur de sociétés.

Monsieur André Caillé a été président et chef de la direction d’Hydro-Québec de 1996 jusqu’à 2004. Après avoir obtenu un doctorat en physicochimie de l’Université de Montréal en 1968, il a été professeur et coordonnateur à l’Institut national de la recherche scientifique jusqu’en 1974. Par la suite, il a oeuvré dans le domaine de l’environnement; il fut sous-ministre de l’environnement du Québec jusqu’en 1982. Cette année-là, il passe chez Gaz Métropolitain où de 1987 à 1996 il occupera le poste de président et chef de la direction. En novembre 2001, l’Institut d’administration publique du Québec lui a attribué le Prix Pierre Decelles pour souligner l’excellence de sa gestion et son influence dans l’administration publique québécoise. En 2003, M. Caillé est devenu chancelier de
l’université de Montréal qui lui avait décerné un doctorat honoris causa en mai 2002.M.Caillé siège sur plusieurs conseils d’administration



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13/01/2008

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Télesphore Gagnon, p.s.s. Directeur du Département de philosophie de l'Institut de Formation Théologique de Montréal, Grand Séminaire de Montréal


LE PRINCIPE DE LA LAICITE
Après avoir vécu trois siècles sous le principe de catholicité, il est difficile maintenant d'apprendre à vivre sous le principe de laïcité énoncé il y a deux mille ans : « rendez à césar ce qui est à césar, et à dieu ce qui est à dieu ». Mais encore faut-il comprendre ce principe, d'une manière générale, dans la société, dans l'état et chez les individus. En général, le principe de laïcité signifie distinction entre communauté politique et religions. Mais distinction ne veut pas dire ignorance! Laïcité ne veut pas dire laïcisme! Il serait réducteur de lire l'histoire en oubliant ce que le christianisme a apporté à la culture et aux institutions occidentales : la dignité de la personne humaine, la liberté, l'éducation, les œuvres de solidarité. Sans sous-estimer les autres traditions religieuses, il reste que l'Occident s'est affirmé en même temps qu'il était évangélisé.



Dans la société, tout le monde s'accorde à respecter le sentiment religieux des individus, mais il faudrait en dire autant du « fait religieux », celui de la dimension sociale des religions. La démarche religieuse de l'homme ne peut pas être considérée comme un simple sentiment personnel. La nature profonde de l'homme est d'être à la fois personnelle et sociale dans toutes ses dimensions, y compris dans sa dimension spirituelle. La religion ne peut pas être uniquement cantonnée dans la sphère du privé. Ce serait rejeter tout ce qu'elle a de collectif dans sa vie propre et dans les actions sociales et caritatives qu'elle mène au sein même de la société envers toutes les personnes, sans distinction de croyances philosophiques ou religieuses. Tout chrétien ou tout adepte d'une religion a le droit, dans la mesure où cela ne remet pas en cause la sécurité et la légitime autorité de l'État, d'être respecté dans ses convictions et dans ses pratiques, au nom de la liberté religieuse, qui est un des aspects fondamentaux de la liberté de conscience.



Une religion suscitera le dynamisme de la majorité de la population d'un pays si elle a été entretenue pendant plusieurs générations en tant qu'elle a imprégné pendant des siècles toute l'évolution du système social. On ne peut pas remplacer le christianisme par quelqu'autre religion qui commence à s'y enraciner. Notre société a vécu jusqu'à nos jours sur un terreau de chrétienté dont les idées et les préceptes sont toujours irremplaçables.



Du côté de l'État, le principe de laïcité implique la nécessité d'une juste séparation des pouvoirs. Il y a une différence entre une légitime et saine laïcité et un type de laïcisme idéologique ou de séparation hostile entre les institutions civiles et les confessions religieuses. Il ne s'agit pas d'un retour à des formes d'État confessionnel. La référence publique à la foi ne peut porter atteinte à la juste autonomie de l'État et des institutions civiles. Si historiquement des erreurs ont été commises, même chez les croyants, il faut bien le reconnaître, cela ne doit pas être porté au compte des « racines chrétiennes », mais de l'incohérence des chrétiens.



Enfin, du côté de l'individu, la société doit pouvoir admettre que des personnes puissent faire état de leur appartenance religieuse dans le respect d'autrui et des lois du pays. Sinon on court le danger d'un repliement identitaire et sectaire ainsi que de la montée de l'intolérance, au risque d'entraver la convivialité et la concorde au sein de la société. Vécue dans le respect de la saine laïcité, la démarche religieuse est une source de dynamisme et de promotion de l'homme. La laïcité, bien comprise, loin d'être le lieu d'un affrontement, est véritablement l'espace pour un dialogue constructif, dans l'esprit des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.



le 31 décembre 2007 9:59:09 PM sur le site missa.org





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05/01/2008

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Sur le sujet de la place du christianisme dans l'histoire de l'Occident, un compte rendu des plus intéressants du livre de Paul Veyne: Quand le monde est devenu chrétien (313-394), Paris, Éditions Albin Michel, « Idées », 2007, 320 p. (ISBN 978-2-226-17609-7). Paul Veyne, né le 13 juin 1930 à Aix-en-Provence, est un archéologue et historien français, spécialiste de la Rome antique. Ancien élève de l'École normale supérieure, membre de l'École française de Rome (1955-1957), il est professeur honoraire au Collège de France.


LA LAICITE ET L'HISTOIRE
Christian Rioux intitule son compte rendu dans le journal Le Devoir du 21 décembre 2007 "Lettre d'un incroyant". "L'ouvrage a beau s'intéresser au premier empereur chrétien, Constantin, j'en recommanderais la lecture à tous les membres de la commission Bouchard-Taylor et même à quelques chroniqueurs. Disons d'abord, écrit Christian Rioux, pour éviter toute confusion, qu'il s'agit du livre d'un 'incroyant'. L'auteur le précise dès l'introduction. Incroyant, mais pas inculte. À l'heure où la mode consiste à dénigrer tout ce qui ressemble à un catholique, n'est-il pas fascinant de voir un incroyant décrire le christianisme dans des mots que n'oserait plus prononcer un évêque?"

Et après avoir résumé le propos de Paul Veyne (cliquez ici pour avoir tout le texte de Christian Rioux en format PDF), le journaliste chroniqueur fait une application bien concrète.

"Quand notre monde est devenu chrétien est la démonstration sublime qu'un enseignement laïque des religions ne trouve son sens que dans le cadre d'un rigoureux programme d'histoire et non dans des cours bêtement destinés à prêcher la tolérance. Il devrait intéresser les Québécois plus que n'importe qui. On ne trouve pas beaucoup de nations dont la courte existence ait été autant façonnée par les idées chrétiennes. C'est en partie sur elles que fleurit notre laïcité. C'est un incroyant qui le dit! Un incroyant qui pourrait même vous souhaiter joyeux Noël..."


Christian Rioux est chroniqueur et journaliste au journal "Le Devoir". En poste à Paris depuis plusieurs années, il commente l’actualité française et québécoise d’une façon stimulante qui tranche avec les opinions communes sur plusieurs questions d’importance pour le Québec et son avenir. Après avoir proposé en 2001 un "Voyage à l’intérieur des petites nations" (Boréal), où il s’intéressait à ces petits peuples qui incarnent au sens fort la diversité du monde, il a récemment rassemblé plusieurs de ses écrits sur les États-Unis dans "Carnets d’Amérique" (Boréal).

Christian Rioux est aussi associé à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'Université du Québec à Montréal. Son expertise porte sur la politique internationale, la politique étrangère américaine et européenne, les relations Europe Amérique, la situation des peuples minoritaires.



Texte complet de Christian Rioux en format PDF


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23/12/2007

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Dans un article intitulé "Les fonds souverains volent au secours des banques" le journal LE MONDE pose la question: est-on à la veille d'une large recomposition de l'actionnariat des banques mondiales ? On trouvera à la fin de cet article la liste des principaux fonds souverains qui existent actuellement.


FONDS SOUVERAINS : UNE MENACE?
Après le numéro un mondial Citigroup, écrit le journal, les britanniques Barclays et Standard Chartered, ou le bancassureur belgo-néerlandais Fortis, au cours des dernières semaines, l'Union des banques suisses (UBS), fleuron du capitalisme helvétique, a annoncé, lundi 10 décembre, l'arrivée à son capital d'un fonds souverain. Un fonds public émirati, Investment Corporation of Dubai, a, pour sa part, discuté cette semaine des perspectives de "coopération" avec la banque américaine d'investissement JP Morgan.

Ces fonds souverains viennent à la rescousse d'une industrie bancaire déstabilisée par la crise des subprimes, ces crédits immobiliers à risques américains qui ont déjà coûté 80 milliards de dollars aux banques (54,3 milliards d'euros).

Ainsi, l'Agence d'investissement du gouvernement de Singapour (GIC) va investir 11 milliards de francs suisses (6,6 milliards d'euros) dans UBS, pour l'aider à faire à une crise financière susceptible de lui valoir, en 2007, les premières pertes de son histoire. Un "second investisseur stratégique du Moyen-Orient", dont l'identité n'est pas révélée, apportera aussi 1,2 milliard d'euros. Ces mises de fonds, réalisées sous la forme d'obligations convertibles en actions, permettront aux deux investisseurs d'acquérir entre 9 % et 12 % de la dixième banque mondiale. Et sont assorties de sièges au conseil d'administration.

L'offensive des fonds des pays du Golfe, de Chine ou de Russie, qui touche toutes sortes d'actifs stratégiques dans les pays occidentaux (industrie, distribution...), témoigne de la puissance d'investissement de ces nouveaux acteurs de l'économie. Entre l'envolée des prix des matières premières, dont le pétrole, et les excédents commerciaux reflétant la croissance spectaculaire de leurs économies, ils sont gorgés d'argent qu'ils ne savent plus où investir. "Ils ont, plus que d'autres, la capacité de mobiliser des sommes colossales et de prendre des paris à long terme sur les entreprises", explique Nicolas Véron, économiste au centre Bruegel.

Selon la Deutsche Bank, ces fonds étatiques géreraient plus de 3 000 milliards de dollars d'investissements, soit deux fois plus que l'industrie des fonds spéculatifs (hedge funds). Leur fortune pourrait atteindre 10 000 milliards de dollars dans dix ans.

PRÉSENTS EN FRANCE

"Ils redessinent les lignes de force d'une économie mondiale dont ils sont devenus les poches profondes", estime M. Véron. Pour l'économiste, l'intérêt croissant des fonds souverains pour la finance pourrait leur permettre de briser leur isolement et d'en finir avec l'ostracisme dont fait preuve à leur égard l'Occident. "C'est une porte d'entrée judicieuse dans le monde des affaires, dans l'establishment occidental", commente M. Véron.

De fait, si les fonds souverains font peur, de plus en plus de voix s'élèvent pour réhabiliter leur action. " Ne faisons pas preuve de racisme en économie, s'insurge Olivier Pastré, professeur à Paris-VIII. Le retour de l'Etat n'est pas forcément un mal. Ces fonds n'ont pas encore montré qu'ils étaient néfastes. Au contraire, ils peuvent être utiles à un moment où les banques risquent de manquer de capitaux."

Ces fonds souverains joueront-ils un rôle dans la gouvernance des banques ? Sans doute, de l'avis consensuel des économistes, pour qui ces investissements financiers prendront vite un caractère stratégique. "Que vaut-il mieux pour une banque : accueillir un fonds souverain à son capital, et engager un dialogue serein avec lui, ou se faire déstabiliser par un fonds spéculatif, pour finir vendue à la découpe ?", interroge M. Pastré, en rappelant l'affaire ABN Amro. Attaquée par un fonds qui contestait sa gestion, la banque néerlandaise fait actuellement l'objet d'une vente par appartements.

La question du recours aux fonds souverains ne se pose pas en France, où les banques sont solidement capitalisées et, à ce jour, souffrent moins de la crise que leurs consoeurs américaines, britanniques et allemandes. Cependant, rapporte un banquier, les grandes banques françaises ont des fonds souverains parmi leurs actionnaires, à des niveaux inférieurs aux seuils de déclaration réglementaires.

C'est le cas de BNP Paribas, dont seraient actionnaires, pour quelques pour cents, des fonds saoudiens, koweïtiens et des émirats. "Nous les voyons régulièrement et entretenons avec eux un vrai dialogue. Ils ont, comme les fonds de pension, une stratégie de long terme, qui nous convient", confirme un proche de la direction.


Anne Michel

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CHIFFRES

N.B. Pour fins de comparaison au 31 décembre 2006, l’actif net des déposants de la Caisse de dépot et placement du Québec était de 143,5 milliards de dollars, par rapport à 122,2 milliards de dollars en 2005, en hausse de 21,3 milliards de dollars. La Caisse de dépôt et placement du Québec a été créée en 1965 par une loi de l’Assemblée nationale, pour gérer les fonds recueillis dans le cadre d’un régime de retraite universel alors nouvellement créé : le Régime de rentes du Québec.


Les principaux fonds d'investissements souverains, selon le classement établi par la Deutsche Bank en septembre :

1 - EMIRATS ARABES UNIS :

Abu Dhabi Investment Authority (ADIA), 875 milliards de dollars (594 milliards de dollars d'euros), créé en 1976.

2 - SINGAPOUR :

Government of Singapore Investment Corporation (GIC), 330 milliards de dollars, créé en 1981.

3 - NORVÈGE :

Government Pension Fund Global (GPFG), 322 milliards de dollars, créé en 1990.

4 - ARABIE SAOUDITE :

divers fonds, pour 300 milliards de dollars.

5 - KOWEIT :

Kuwait Investment Authority (KIA), 250 milliards de dollars, créé en 1953.

6 - CHINE :

China Investment Company Ltd (CIC), 200 milliards de dollars, créé en 2007.


Article paru dans l'édition du 12.12.07 du journal LE MONDE

• Mis sur le site internet LE MONDE le 11.12.07 | 13h17
• Mis à jour le 11.12.07 | 14h16


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11/12/2007

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a proximité avec nos défunts: les défunts sont-ils morts? Homélie pour la Commémoration des fidèles défunts au Séminaire de Québec, le 2 novembre 2007. Année C. Textes de l'Écriture: Job, 19, 1.23-27a; 1 Th 4, 13-14.17d-18; Jean 14,1-6:


LES DEFUNTS SONT-ILS MORTS?
Ce jour de la commémoration des fidèles défunts revient chaque année nous rappeler ceux et celles qui nous ont quittés. Nous en profitons pour prier pour les disparus. Nous porterons donc dans la commémoration de ce jour nos parents, nos amis et tous ceux et celles qui nous restent proches au delà de la mort.

En effet, la commémoration des fidèles défunts nous permet de ressentir, d'expérimenter et vivre une dimension de la relation à l'autre qui ouvre sur une proximité au-delà des cadres habituels reçus et vécus.

I- Une proximité dans une continuité de vie

Nos défunts ne sont pas partis. La mort est une fin, mais pour le croyant elle est aussi un accomplissement où il entre dans la vie qu'il a entretenue depuis sa naissance à la vie nouvelle par le baptême.

Saint Paul le dit avec conviction aux Thessaloniciens dans la seconde lecture: « Il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n'ont pas d’espérance. Jésus nous le croyons est mort et ressuscité; de même nous le croyons, ceux qui se sont endormis, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. »

Vous voyez, le terrain où nous amène saint Paul est celui d'une proximité dans une dimension nouvelle. Comment ne pas s'en inquiéter, sinon en développant au fond de nous cette espérance dont le support est Celui qui est devenu le Premier-né d'une multitude de frères et soeurs?

Vivre la mort comme un passage n'est pas seulement une consolation, c'est une condition inhérente au devenir chrétien à la suite de Jésus.

Ce passage sera le lot de chacun de nous un jour ou l'autre. C'est pourquoi, la proximité avec le Seigneur commence déjà dans nos gestes, dans nos prières, dans nos espoirs et dans nos attentes. En développant en nous les sentiments qui furent les siens, nous entrons déjà dans cette proximité de vie, après la mort, où « nous serons pour toujours avec le Seigneur ».

On comprend ainsi que l'évangile de Jean dans cette superbe méditation du chapitre 14 que nous venons d'entendre résume en cette formule-choc de la primauté et la centralité, pourrait-on de Jésus, « le Chemin, la Vérité et la Vie ».

À l'heure où il passait de ce monde à son Père, Jésus met en évidence l'importance de la proximité avec lui sur le plan du cheminement de chacun et de chacune : « Moi, je suis le Chemin », sur le plan de la raison qui cherche à comprendre : « Moi, je suis la Vérité » et sur le plan de l'existence, de l'expérience de vie : « Moi, je suis la Vie ».

II- Une vie avec le Seigneur Jésus Christ, le point synthétique de la vie

Ce résumé de la formule célèbre si souvent reprise ne l’épuise pas loin de là. Elle est d’une telle richesse que la méditation de chacun peut en tirer sans cesse des choses nouvelles. Cette parole a soutenu nos frères défunts qui ont mis eux aussi Jésus Christ au centre de leur vie.

N’est-ce pas ce qui nous a inspiré nous aussi au moment de nos choix de vie ? N'est-ce pas ce dont a besoin notre Église ? N'est-ce pas ce que le jeunes générations cherchent dans le « vide spirituel » auquel faisait référence le Cardinal Ouellet dans son intervention devant la Commission Bouchard-Taylor le 30 octobre 2007 ?

N’est-ce pas ce que des penseurs comme Teilhard de Chardin et Hans Uvon Balthasar nous ont légué ?

Le premier insiste dans son ouvrage Le Milieu divin pour que le croyant prenne conscience que tout est récapitulé dans le Christ : le phénomène humain comme le monde de la matière qui tendent sans cesse vers le Christ, point Oméga, aboutissement et canal de l'accomplissement parfait de la vie avec le Seigneur pour reprendre l'expression de saint Paul citée plus haut.

Le second écrit cette profession de foi percutante : « Au point de vue chrétien, le point synthétique se trouve, entre Dieu et le monde, et l'intégration concrète du monde dans le mouvement vers Dieu passe toujours par le Christ » .

Le « point synthétique » chrétien, pour reprendre l'expression de Balthasar est, en définitive, « l'imitation de Jésus-Christ », le seul et unique modèle parce que tout est « par Lui, avec Lui, en Lui » (doxologie de la prière eucharistique).

Les « imitateurs », comme les saints canonisés et tous ceux et celles qui choisissent la norme de l'Évangile comme la référence unique de leur existence, tracent des voies d'actualisation, d'appropriation dans leur histoire et dans le temps qui servent servir à rendre le Christ visible dans des figures, des réalisations, des gestes, des paroles qui lui donnent un visage pour leur temps et leurs milieux.

L'évangile de Matthieu ne nous rapporte-t-il pas ces paroles étonnantes de Jésus : « Vous êtes le sel de la terre [...]. Vous êtes la lumière du monde [...]. Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 13 16).

Conclusion

Nos défunts ont cherché à suivre ce Chemin qu’est le Christ Vérité et Vie. Dans cette proximité que nous reconnaissons avec eux et avec elles, cette commémoration des fidèles défunts nous incite aujourd’hui à être nous aussi des chercheurs et des chercheuses de Dieu dans notre monde et dans notre temps.

Ainsi nous pouvons annoncer déjà dans cette Eucharistie à travers les signes du pain et du vin partagés que le Règne de Dieu est parmi nous et que la mémoire des disparus nous habite chaque fois que nous refaisons les mêmes gestes et que nous redisons les mêmes paroles de Jésus le soir du Jeudi-Saint « jusqu’à ce qu’il vienne » comme dit saint Paul (I Co 11, 26).


Amen !

Mgr Hermann Giguère, prêtre, P.H.
Supérieur général du Séminaire de Québec

le 2 novembre 2007

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02/11/2007

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STABAT MATER
« Debout, la mère des douleurs Près de la croix était en pleurs Quand son Fils pendait au bois.» Cette traduction française de la première strophe du "Stabat mater dolorosa» situe le cadre de notre méditation d'aujourd'hui. Elle reprend poétiquement le texte de l'évangile de Jean que nous venons d'entendre. Cette scène si forte inspire l'auteur de l'Épître aux Hébreux dont la liturgie a retenu un court passage qui inspirera mes réflexions.

I - Un nouvel enfantement

L'auteur de l'Épître aux Hébreux fait dire au Christ un peu plus loin dans sa méditation : « Tu m'as façonné un corps; voici, je suis venu pour faire ta volonté » (Hébreux 10, 5.9).

Ce corps reçu de Dieu c'est lui que contemple au pied de la croix la Mère de Jésus, Marie femme de Cléopas et Marie-Madeleine et l'apôtre Jean. Ce corps déchiré et meurtri marque la perfection de l'accomplissement de la volonté de Dieu. "Bien qu'il soit le Fils, il a pourtant appris l'obéissance par les souffrances de sa Passion; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.» Le Serviteur souffrant donne sa vie pour la multitude.

Ce corps lacéré, à bout de souffle, défiguré, c'est celui que Marie a formé dans sa chair pendant neuf mois. Elle est là. C'est elle-même qui est sur la Croix. Une mère peut-elle voir son enfant ainsi traité sans en ressentir une douleur extrême, sans devenir une «mère en douleur»? Elle participe à un nouvel enfantement.

C'est en ces moments que s'accomplit le chant des anges à Bethléem: « Un enfant vous est né. Un sauveur vous est donné ». C'est en ces moments que le fils de Marie devient le Sauveur d'une multitude de frêres et de soeurs, que l'amour de Dieu vient à la rencontre de l'humanité par le Corps et le Sang versé de celui qui est sur la croix. De ce corps transpercé par la lance du soldat sortiront du sang et de l'eau. De ce corps naîtra un peuple nouveau, une foule immense des quatres coins de la terre.

Voilà la beauté de cette scène de l'évangile que nous venons de lire. Oui! au pied de la Croix la Mère des douleurs devient la Mère de l'Église, de ce peuple nouveau des baptisés. « Femme, voici ton fils ».

C'est pourquoi, l'Église nourrit depuis les temps anciens une telle dévotion à Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Église. « Voici ta mère ».

II - Toujours vivant, le Christ ne meurt plus

Ce n'est pas tout. Ce corps battu par les lanières des fouets, crucifié, percé par la lance, celui du Sauveur qui a été l'instrument dont celui-ci s'est servi pour accomplir la volonté de Dieu jusqu'au bout ne meurt plus, car le Christ est ressuscité et il est devenu puissant pour nous sauver, « il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.»

Naissance dans la douleur au pied de la Croix, naissance dans la gloire de Pâques où le Christ s'est levé du tombeau. Désormais le Christ est vivant et il ne meurt plus.

C'est ainsi qu'à chaque Eucharistie que nous célébrons en assemblée autour de la Croix associés à Marie et aux témoins qui se tenaient sur le Golgotha, nous tenons en nos mains, nous partageons et nous mangeons le Corps du Christ. Et nous pouvons dire en vérité et en souhaitant que cela s'inscive de plus en plus profondément dans nos vies : « Ô Christ, tu m'as donné et façonné par cette Eucharistie ton Corps meurtri et ressuscité; voici que je viens, comme toi, faire la volonté du Père qui n'a d'autre volonté que celle que toute l'humanité soit sauvée.»

Dans cette Eucharistie où nous nous tenons comme la Mère de Douleurs au pied de la croix, demandons au Seigneur de le faire comme Marie dans l'abandon total à la volonté de Dieu.

Amen!


Mgr Hermann Giguère, ptre, p.h.
Le 15 septembre 2007.


Le titre de cette homélie est une traduction des premiers vers de l'hymne « Stabat mater dolorosa ». En voici le texte latin complet ainsi qu'une traduction française.

On trouvera un site internet en français sur cette belle prière du « Stabat mater » qui recense les nombreuses partitions musicales sur le "Stabat mater" à http://www.fatrazie.com/Stabat.htm. Le site le plus complet est en anglais et d'une richesse incroyable. Tout y est. L'adresse du site est http://www.stabatmater.info/index1.html

Compte tenu de ses nombreuses variantes nous donnons ici le texte latin "canonique" d'origine et une traduction française officielle de l'Église.

TEXTE LATIN

Stabat mater dolorosa
juxta crucem lacrimosa
dum pendebat Filius.

Cujus animam gementem
constristatam et dolentem
pertransivit gladius.

O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta
mater Unigenti.

Quae maerebat et dolebat
pia mater dum videbat
nati poenas incliti

Quis est homo qui non fleret
matrem Christi si videret
in tanto supplicio?

Quis non posset contristari
Christi matrem contemplari
dolentem cum Filio?

Pro peccatis suae gentis
vidit Jesum in tormentis
et flagellis subditum.

Vidit suum dulcem natum
moriendo desolatum
dum emisit spiritum.

Eia Mater, fons amoris,
me sentire vim doloris
fac ut tecum lugeam.

Fac ut ardeat cor meum
in amando Christum Deum
ut sibi complaceam.

Sancta Mater, istud agas,
crucifixi fige plagas
cordi meo valide.

Tui nati vulnerati
tam dignati pro me pati
paenas mecum divide.

Fac me vere tecum flere
crucifixo condolere
donec ego vixero.

Juxta crucem tecum stare
et me sibi sociare
in planctu desidero.

Virgo virginum praeclara
mihi jam non sis amara
fac me tecum plangere.

Fac ut portem Christi mortem
passionis fac consortem
et plagas recolere.

Fac me plagis vulnerari
fac me cruce inebriari
et cruore Filii.

Flammis ne urar succensus
per te Virgo sim defensus
in die judicii.

Christe,cum sit hinc exire,
da per matrem me venire
ad palmam victoriae.

Quando corpus morietur
fac ut animae donetur
paradisi gloria.


TEXTE FRANÇAIS

Debout, la mère des douleurs
Près de la croix était en pleurs
Quand son Fils pendait au bois.

Alors, son âme gémissante
Toute triste et toute dolente
Un glaive la transperça.

Qu'elle était triste, anéantie,
La femme entre toutes bénie,
La Mère du Fils de Dieu!

Dans le chagrin qui la poignait,
Cette tendre Mère pleurait
Son Fils mourant sous ses yeux.

Quel homme sans verser de pleurs
Verrait la Mère du Seigneur
Endurer si grand supplice?

Qui pourrait dans l'indifférence
Contempler en cette souffrance
La Mère auprès de son Fils?

Pour toutes les fautes humaines,
Elle vit Jésus dans la peine
Et sous les fouets meurtri.

Elle vit l'Enfant bien-aimé
Mourir tout seul, abandonné,
Et soudain rendre l'esprit.

O Mère, source de tendresse,
Fais-moi sentir grande tristesse
Pour que je pleure avec toi.

Fais que mon âme soit de feu
Dans l'amour du Seigneur mon Dieu:
Que je lui plaise avec toi.

Mère sainte, daigne imprimer
Les plaies de Jésus crucifié
En mon cœur très fortement.

Pour moi, ton Fils voulut mourir,
Aussi donne-moi de souffrir
Une part de ses tourments.

Pleurer en toute vérité
Comme toi près du crucifié
Au long de mon existence.

Je désire auprès de la croix
Me tenir, debout avec toi,
Dans ta plainte et ta souffrance.

Vierge des vierges, toute pure,
Ne sois pas envers moi trop dure,
Fais que je pleure avec toi.

Du Christ fais-moi porter la mort,
Revivre le douloureux sort
Et les plaies, au fond de moi.

Fais que ses propres plaies me blessent,
Que la croix me donne l'ivresse
Du sang versé par ton Fils.

Je crains les flammes éternelles;
O Vierge, assure ma tutelle
A l'heure de la justice.

O Christ, à l'heure de partir,
Puisse ta Mère me conduire
A la palme de la victoire.

A l'heure où mon corps va mourir,
A mon âme fais obtenir
La gloire du paradis.



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21/09/2007

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10 CONSEILS POUR UN BON CAREME
À ceux qui se demandent encore que faire pour le Carême, le cardinal Godfried Daneels, avec le bon sens et l’humour qu’on lui connaît, adresse ces 10 conseils. Il y ajoute un avertissement : « Ci-joint dix règles pour un bon Carême. Mais elles ne signifient rien, si elles ne nous rapprochent pas de Dieu et des hommes. Ou si elles nous rendent tristes. Ce temps doit nous rendre plus légers et plus joyeux ».

Cardinal Godfried Daneels
07/03/2007

1. Prie. Chaque matin, le Notre Père et chaque soir le Je vous salue Marie
2. Cherche dans l'Évangile du dimanche, une petite phrase que tu pourras méditer toute la semaine.
3. Chaque fois que tu achètes un objet dont tu n'as pas besoin pour vivre - un article de luxe - donne aussi quelque chose aux pauvres ou à une œuvre. Offre-leur un petit pourcentage. La surabondance demande à être partagée.
4. Fais chaque jour quelque chose de bien pour quelqu'un. Avant qu'il ou elle ne te le demande.
5. Lorsque quelqu'un te tient un propos désagréable, n'imagine pas que tu doives aussitôt lui rendre la pareille. Cela ne rétablit pas l'équilibre. En fait, tu tombes dans l'engrenage. Tais-toi plutôt une minute et la roue s'arrêtera.
6. Si tu zappes depuis un quart d'heure sans succès, coupe la TV et prends un livre. Ou parle avec ceux qui habitent avec toi: il vaut mieux zapper entre humains et cela marche sans télécommande.
7. Durant le Carême quitte toujours la table avec une petite faim. Les diététiciens sont encore plus sévères : fais cela toute l'année. Une personne sur trois souffre d'obésité.
8. 'Par-donner' est le superlatif de donner.
9. Tu as déjà si souvent promis d'appeler quelqu'un par téléphone ou de lui rendre visite. Fais-le finalement.
10. Ne te laisse pas toujours prendre aux publicités qui affichent une réduction. Cela coûte en effet 30% moins cher. Mais ton armoire à vêtements bombe et déborde également de 30 %.

Ces « Dix conseils » ont été publiés dans la revue du vicariat Pastoralia et par l’agence catholique belge CathoBel.

08/03/2007

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DERNIÈRES HOMÉLIES
Vous y trouverez l'homélie du dimanche publiée le mardi qui précède. Bonne méditation!





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