L'abbé Roger Labbé nous fait parvenir ces réflexions "songées" d'un évêque brésilien s'inspirant du mot du cardinal Martini, ancien archevêque de Milan :« Aujourd'hui je n?~Rai plus ces rêvess
». (tiré de la lettre circulaire de Mgr Pedro Casaldáliga, évêque ?| la retraite du diocèse brésilien de São Felix do Araguaia et traduit par l'abbé Claude Lacaille).


REVER UNE EGLISE POUR DEMAIN?
Le cardinal Carlo M. Martini, jésuite, bibliste, ancien archevêque de Milan et mon collègue de Parkinson, est un ecclésiastique de dialogue, d'accueil, de rénovation à fond, autant dans l'Église que dans la société. Dans son livre de confidences et de confessions Colloques nocturnes à Jérusalem, il déclare : « Avant j'avais des rêves à propos de l'Église. Je rêvais d'une Église qui parcourt son chemin dans la pauvreté et l'humilité, qui ne dépend pas des pouvoirs de ce monde; dans laquelle est extirpée la racine de la méfiance; qui donne de la place aux gens qui pensent avec plus d'ouverture; qui encourage, spécialement ceux qui se sentent petits et pécheurs. Je rêvais d'une Église jeune. Aujourd'hui, je n'ai plus ces rêves. » Cette affirmation catégorique de Martini n'est pas, ne peut pas être une déclaration d'échec, de déception ecclésiale, de renonciation à l'utopie. Martini continue de ne rêver à rien d'autre qu'au Royaume, qui est l'utopie des utopies, un rêve de Dieu lui-même.

Lui et des millions de personnes dans l'Église, nous rêvons de « l'autre Église possible », au service d' « un autre monde possible ». Et le cardinal Martini est un bon témoin et un bon guide sur ce chemin alternatif; il l'a démontré.

Autant dans l'Église (dans l'Église de Jésus formée de plusieurs Églises) que dans la société (formée de divers peuples, diverses cultures, divers processus historiques) aujourd'hui plus que jamais, nous devons nous radicaliser dans la recherche de la justice et de la paix, de la dignité humaine et de la dignité dans l'altérité, du véritable progrès à l'intérieur d'une écologie profonde. Et comme le dit Bobbio, « il faut installer la liberté dans le coeur même de l'égalité »; aujourd'hui avec une vision et une action strictement mondiales. C'est l'autre globalisation, celle que revendiquent nos penseurs, nos militants, nos martyrs, nos affamés…

La grande crise économique actuelle est une crise globale de l'humanité qui ne sera résolue par aucun type de capitalisme, parce qu'il ne peut y avoir un capitalisme humain; le capitalisme continue à être homicide, écocide et suicidaire. Il n'y a pas moyen de servir simultanément le dieu des banques et le Dieu de la Vie, de conjuguer l'arrogance et l'usure avec la convivialité fraternelle. La question charnière est celle-ci: Faut-il sauver le système ou sauver l'humanité? A grandes crises, grandes opportunités. En langue chinoise, le mot crise se dédouble en deux sens : crise comme danger, crise comme opportunité.

Durant la campagne électorale aux États-Unis, on a brandi à répétition le « rêve de Luther King », dans l'intention d'actualiser ce rêve; et à l'occasion des 50 ans de la convocation de Vatican II, on a rappelé avec nostalgie le Pacte des catacombes de l'Église servante et pauvre. Le 16 novembre 1965, quelques jours avant la clôture du concile, 40 pères conciliaires ont célébré l'eucharistie dans les catacombes romaines de Domitila et ont signé le Pacte des catacombes. Dom Helder Camara, qui célébrerait son 100ième anniversaire de naissance cette année, était l'un des principaux animateurs du groupe prophétique. Le Pacte en ses 13 points insiste sur la pauvreté évangélique de l'Église, sans titres honorifiques, sans privilèges et sans luxes mondains; il insiste sur la collégialité et la coresponsabilité de l'Église comme Peuple de Dieu et sur l'ouverture au monde et l'accueil fraternel.

Aujourd'hui dans la conjoncture convulsionnée actuelle, nous professons que bien des rêves sociaux, politiques, ecclésiaux sont d'actualité et que nous ne pouvons aucunement y renoncer. Nous continuons de rejeter le capitalisme néolibéral, le néo-impérialisme de l'argent et des armes, une économie de marché et de consommation qui ensevelit dans la pauvreté et la faim une grande majorité de l'humanité. Nous continuerons de rejeter toute discrimination pour motif de genre, de culture, de race. Nous exigerons la transformation substantielle des organisations mondiales (ONU, FMI, Banque mondiale, OMC ...) Nous nous engagerons à vivre une « écologie profonde et intégrale », en promouvant une politique agraire-agricole alternative à la politique prédatrice du latifundium, de la monoculture, de l'agro-toxique. Nous participerons aux transformations sociales, politiques, économiques pour une démocratie de « haute intensité ».

Comme Église nous voulons vivre à la lumière de l'Évangile, la passion obsessive de Jésus, le Royaume. Nous voulons être Église de l'option pour les pauvres, communauté oecuménique et macro-oecuménique aussi. Le Dieu en qui nous croyons, l'Abba (Papa) de Jésus, ne peut être en aucune manière la cause de fondamentalismes, d'exclusions, d'inclusions absorbantes, d'orgueil prosélyte. Ça suffit de faire de notre Dieu l'unique vrai Dieu. « Mon Dieu me laisse-t-il voir Dieu? » Avec tout le respect dû au pape Benoît XVI, le dialogue interreligieux n'est pas seulement possible, il est nécessaire. Nous ferons de la coresponsabilité ecclésiale l'expression légitime d'une foi adulte. Nous exigerons, en corrigeant des siècles de discrimination, la pleine égalité de la femme dans la vie et les ministères de l'Église. Nous stimulerons la liberté et le service reconnu de nos théologiens et théologiennes. L'Église sera un réseau de communautés orantes, servantes, prophétiques, témoins de la Bonne Nouvelle: une Bonne Nouvelle de vie, de liberté, d'heureuse communion. Une Bonne Nouvelle de miséricorde, d'accueil, de pardon, de tendresse, samaritaine sur tous les chemins de l'humanité. Nous continuerons de faire en sorte que se vive dans la pratique ecclésiale l'avertissement de Jésus : « Il n'en sera pas ainsi entre vous » (Matthieu 21, 26). Que l'autorité soit service. Le Vatican cessera d'être un État et le pape ne sera plus chef d'État. La Curie devra être réformée en profondeur. Les Églises locales soigneront l'inculturation de l'Évangile et l'administration partagée. L'Église s'engagera sans crainte, sans évasion, dans les grandes causes de la justice et de la paix, des droits humains et de l'égalité reconnue pour tous les peuples. Elle sera prophétie d'annonce, de dénonciation, de consolation. La politique vécue par tous les chrétiens et chrétiennes sera « l'expression la plus élevée de l'amour fraternel. » (Pie XI)

Nous refusons de renoncer à ces rêves même s'ils peuvent apparaître comme des chimères. « Nous chantons encore, nous rêvons encore » Nous nous en tenons à la parole de Jésus : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que puis-je vouloir sinon qu'il s'allume? » (Luc 12, 49). Avec humilité et courage, à la suite de Jésus, nous verrons à vivre ces rêves dans le quotidien de nos vies. Il continuera d'y avoir des crises et l'humanité avec ses religions et ses églises continuera à être sainte et pécheresse. Mais il ne manquera pas de campagnes mondiales de solidarité, de Forums sociaux, de Vías Campesinas, de mouvements populaires, de conquêtes des sans-terres, de pactes écologiques, de chemins alternatifs de notre Amérique, de communautés de base, de processus de réconciliation entre Shalom et Salam, de victoires autochtones et afro, et de toute manière une fois pour toutes « je m'en tiens à ce qui a été dit : l'Espérance ».

À chacun et chacune à qui parviendra cette circulaire fraternelle, en communion de foi religieuse ou de passion humaine, une accolade à la mesure de ces rêves. Les vieux, nous avons encore des visions, dit la bible (Joël 3,1) J'ai lu il y a quelques jours cette définition: « La vieillesse est une espèce d'après-guerre »; pas nécessairement une claudication. Le Parkinson n'est qu'un accident de parcours et nous continuons notre chemin vers le Royaume.





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Courriel: info@alainet.org

Traduction : Claude Lacaille

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Tiré de SME-Infonet http://www.webzinemaker.com/sme/, webzine publié par la Société des prêtres du Séminaire de Québec.

30/10/2009

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