Lorsqu’il arrive à Québec en juin 1659, François de Laval est porté par deux mouvements qui se complètent.
D’une part le progrès des connaissances, au cours du siècle précédent, dans le domaine de la géographie de la Terre et dans l’art de la navigation en haute mer rend possible des voyages qui étaient difficilement pensables avant cette période. Le confort pour les voyageurs était encore bien loin des navires de croisière d’aujourd’hui, il va sans dire, mais la possibilité du voyage était là.
D’autre part un élan missionnaire majeur bénéficie de l’engagement de ressources humaines de grande valeur et de nouvelles structures qui s’avèrent fort précieuses. Ainsi la fondation des Jésuites en 1540 donne le signal de nombreux départs pour faire connaître le Christ et son évangile dans les territoires lointains par rapport à l’Europe. À Rome, la mise en place en 1622 d’un nouvel organisme de coordination de l’effort missionnaire, la Congrégation pour la propagation de la foi, et la mise en place d’une nouvelle forme de structure diocésaine, les vicariats apostoliques, donnera des résultats fort intéressants.
Toute la formation humaniste et théologique de François de Laval s’est faite chez les Jésuites; il a entendu parler de l’effort missionnaire vers l’Asie de François Xavier (1506-1552), de Matteo Ricci (1552-1610), d’Alexandre de Rhodes (1591-1660), ou encore vers les Amériques de Jean de Brébeuf (1593-1649) ou des jésuites qui mettent en place les réductions pour libérer les indiens Guaranis de l’esclavage et permettre leur développement communautaire.
Par-dessus tout cela, François de Laval connaît les paroles de Jésus : «Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jn 20, 22), «allez, faites des disciples» (Mt 28,19), «vous serez mes témoins … jusqu’aux extrémités de la terre» (Ac 1, 8), «et moi je suis avec vous … jusqu’à la fin du monde» (Mt 28, 20).
Six mois après sa consécration épiscopale, François de Laval arrive à Québec avec le statut encore mal connu de vicaire apostolique. Après trois ans de labeur, il retraverse en France pour y chercher des appuis dans sa lutte contre le fléau du commerce de l’alcool avec les Indiens et pour faire clarifier sa propre juridiction pastorale auprès de l’autorité royale. Le 26 mars 1663, il est à Paris et il signe le mandement de fondation du Séminaire de Québec.
Les séminaires ont été institués dans l’Église par le Concile de Trente (1545-1563). Le mot séminaire veut dire ‘pépinière’ et traduit bien la raison d’être de cette institution : être un milieu propice à la formation du clergé pour le service des paroisses. Déjà un pasteur de grande envergure comme Charles Borromée, archevêque de Milan, a démontré à cette époque tout le bien qu’on pouvait attendre d’une telle institution.
Marchant dans les mêmes traces mais allant encore plus loin, François de Laval fera de son Séminaire la maison commune de tout son clergé diocésain afin que tous les prêtres puissent y trouver l’hébergement ou le secours, en santé ou en maladie, le milieu fraternel qui permet la mise en commun des points de vue sur les activités du ministère pastoral, le milieu d’où on peut être envoyé à ‘toutes rencontres’ mais aussi le milieu où on peut revenir et trouver la chaleur de la fraternité.
François de Laval, conscient des besoins d’une Église naissante à Québec, a fondé une société de prêtres où on forme les futurs prêtres mais aussi où on met en place les moyens d’une vie fraternelle et solidaire. il a pris une institution venue du Concile de Trente et il lui a donné une orientation originale, plus élaborée.
L’histoire du Séminaire de Québec ne se déroulera pas en tous points comme l’envisageait son fondateur; en plusieurs occasions il faudra prendre des orientations difficiles à discerner ou relever des défis exigeants. Mais le recul du temps permet de constater l’audace et la justesse de l’intuition de François de Laval. Au fil des siècles, le Séminaire a contribué d’une manière exemplaire à la formation des prêtres, à l’éducation de la jeunesse, à l’épanouissement de la vie universitaire, à la pastorale diocésaine. Le Séminaire s’est révélé un instrument de tout premier choix pour la vie de l’Église et celle de la société de notre temps.
C’est un héritage tout-à-fait exceptionnel à recevoir et à faire fructifier.
Michel Fournier, prêtre
D’une part le progrès des connaissances, au cours du siècle précédent, dans le domaine de la géographie de la Terre et dans l’art de la navigation en haute mer rend possible des voyages qui étaient difficilement pensables avant cette période. Le confort pour les voyageurs était encore bien loin des navires de croisière d’aujourd’hui, il va sans dire, mais la possibilité du voyage était là.
D’autre part un élan missionnaire majeur bénéficie de l’engagement de ressources humaines de grande valeur et de nouvelles structures qui s’avèrent fort précieuses. Ainsi la fondation des Jésuites en 1540 donne le signal de nombreux départs pour faire connaître le Christ et son évangile dans les territoires lointains par rapport à l’Europe. À Rome, la mise en place en 1622 d’un nouvel organisme de coordination de l’effort missionnaire, la Congrégation pour la propagation de la foi, et la mise en place d’une nouvelle forme de structure diocésaine, les vicariats apostoliques, donnera des résultats fort intéressants.
Toute la formation humaniste et théologique de François de Laval s’est faite chez les Jésuites; il a entendu parler de l’effort missionnaire vers l’Asie de François Xavier (1506-1552), de Matteo Ricci (1552-1610), d’Alexandre de Rhodes (1591-1660), ou encore vers les Amériques de Jean de Brébeuf (1593-1649) ou des jésuites qui mettent en place les réductions pour libérer les indiens Guaranis de l’esclavage et permettre leur développement communautaire.
Par-dessus tout cela, François de Laval connaît les paroles de Jésus : «Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jn 20, 22), «allez, faites des disciples» (Mt 28,19), «vous serez mes témoins … jusqu’aux extrémités de la terre» (Ac 1, 8), «et moi je suis avec vous … jusqu’à la fin du monde» (Mt 28, 20).
Six mois après sa consécration épiscopale, François de Laval arrive à Québec avec le statut encore mal connu de vicaire apostolique. Après trois ans de labeur, il retraverse en France pour y chercher des appuis dans sa lutte contre le fléau du commerce de l’alcool avec les Indiens et pour faire clarifier sa propre juridiction pastorale auprès de l’autorité royale. Le 26 mars 1663, il est à Paris et il signe le mandement de fondation du Séminaire de Québec.
Les séminaires ont été institués dans l’Église par le Concile de Trente (1545-1563). Le mot séminaire veut dire ‘pépinière’ et traduit bien la raison d’être de cette institution : être un milieu propice à la formation du clergé pour le service des paroisses. Déjà un pasteur de grande envergure comme Charles Borromée, archevêque de Milan, a démontré à cette époque tout le bien qu’on pouvait attendre d’une telle institution.
Marchant dans les mêmes traces mais allant encore plus loin, François de Laval fera de son Séminaire la maison commune de tout son clergé diocésain afin que tous les prêtres puissent y trouver l’hébergement ou le secours, en santé ou en maladie, le milieu fraternel qui permet la mise en commun des points de vue sur les activités du ministère pastoral, le milieu d’où on peut être envoyé à ‘toutes rencontres’ mais aussi le milieu où on peut revenir et trouver la chaleur de la fraternité.
François de Laval, conscient des besoins d’une Église naissante à Québec, a fondé une société de prêtres où on forme les futurs prêtres mais aussi où on met en place les moyens d’une vie fraternelle et solidaire. il a pris une institution venue du Concile de Trente et il lui a donné une orientation originale, plus élaborée.
L’histoire du Séminaire de Québec ne se déroulera pas en tous points comme l’envisageait son fondateur; en plusieurs occasions il faudra prendre des orientations difficiles à discerner ou relever des défis exigeants. Mais le recul du temps permet de constater l’audace et la justesse de l’intuition de François de Laval. Au fil des siècles, le Séminaire a contribué d’une manière exemplaire à la formation des prêtres, à l’éducation de la jeunesse, à l’épanouissement de la vie universitaire, à la pastorale diocésaine. Le Séminaire s’est révélé un instrument de tout premier choix pour la vie de l’Église et celle de la société de notre temps.
C’est un héritage tout-à-fait exceptionnel à recevoir et à faire fructifier.
Michel Fournier, prêtre
En complément de cet article de monsieur l'abbé Fournier voici les remarques d'un des meilleurs historiens des débuts de la Nouvelle-France, le Père Lucien Campeau s.j.
(Extraits d’une entrevue avec le regretté Lucien Campeau, s.j. réalisée par monsieur Yves Beauregard historien, membre du comité de direction de la revue Cap aux Diamants, pour l’édition hors série printemps 1993)
Y.B. : Quand Mgr de Laval instaure son Église en Nouvelle-France, il adapte ou adopte un modèle ?
L.C. : Il n’a pas l’intention de créer des institutions ou une Église différentes de celles d’un diocèse de France. Mais il évitera, autant que possible, les défauts qu’il reconnaît dans l’Église française et dont celle-ci est en train de se débarrasser ou aimerait corriger à ce moment-là. La plus grande idée de Mgr de Laval, c’est la création du Séminaire. Le Séminaire, on voit cela aujourd’hui comme une école mais dans l’esprit de son créateur, c’est une communauté du clergé, c’est-à-dire des prêtres diocésains. Evidemment, les jésuites restent en dehors de cela ; ils resteront toutefois en étroite union avec le clergé de Mgr de Laval. Il est très important pour lui d’avoir une communauté du clergé dans un pays qui n’est pas encore en état de soutenir ses pasteurs.
Y.B. : Donc le Séminaire qu’il crée va devenir le pivot central de sa nouvelle Église ?
L.C. : S’il l’a créé si puissant, c’est que le Séminaire devait prendre la responsabilité du clergé. Le vrai curé des paroisses canadiennes devait être le Séminaire ; ainsi les revenus des dîmes, revenus propres du clergé, devaient revenir au Séminaire. Il se chargeait de la subsistance des curés, et c’était avantageux à l’époque, parce que la population ne pouvait pas soutenir les curés. C’était une période de défrichement et de pauvreté. Alors le Séminaire, bénéficiant des aumônes qu’il pouvait obtenir en France, suppléait ce que la colonie ne pouvait pas faire.
(Extraits d’une entrevue avec le regretté Lucien Campeau, s.j. réalisée par monsieur Yves Beauregard historien, membre du comité de direction de la revue Cap aux Diamants, pour l’édition hors série printemps 1993)
Y.B. : Quand Mgr de Laval instaure son Église en Nouvelle-France, il adapte ou adopte un modèle ?
L.C. : Il n’a pas l’intention de créer des institutions ou une Église différentes de celles d’un diocèse de France. Mais il évitera, autant que possible, les défauts qu’il reconnaît dans l’Église française et dont celle-ci est en train de se débarrasser ou aimerait corriger à ce moment-là. La plus grande idée de Mgr de Laval, c’est la création du Séminaire. Le Séminaire, on voit cela aujourd’hui comme une école mais dans l’esprit de son créateur, c’est une communauté du clergé, c’est-à-dire des prêtres diocésains. Evidemment, les jésuites restent en dehors de cela ; ils resteront toutefois en étroite union avec le clergé de Mgr de Laval. Il est très important pour lui d’avoir une communauté du clergé dans un pays qui n’est pas encore en état de soutenir ses pasteurs.
Y.B. : Donc le Séminaire qu’il crée va devenir le pivot central de sa nouvelle Église ?
L.C. : S’il l’a créé si puissant, c’est que le Séminaire devait prendre la responsabilité du clergé. Le vrai curé des paroisses canadiennes devait être le Séminaire ; ainsi les revenus des dîmes, revenus propres du clergé, devaient revenir au Séminaire. Il se chargeait de la subsistance des curés, et c’était avantageux à l’époque, parce que la population ne pouvait pas soutenir les curés. C’était une période de défrichement et de pauvreté. Alors le Séminaire, bénéficiant des aumônes qu’il pouvait obtenir en France, suppléait ce que la colonie ne pouvait pas faire.