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« Pour la vie du monde » Homélie pour le Jeudi Saint

Homélie de Mgr Hermann Giguère à la messe en mémoire de la Cène du Seigneur, Jeudi Saint, le 20 mars 2008 au Séminaire de Québec. Textes de l'Écriture: Exode 12, 1-8.11-14; I Cor 11, 23-26; Jn 13, 1-15.



Tableau à Notre-Dame de la Croix à Paris
Tableau à Notre-Dame de la Croix à Paris
Dans un merveilleux sermon pour le Jeudi Saint saint Bernard développe le sens des deux gestes que nous posons ce soir : la célébration de la Cène du Seigneur et celui du Lavement des pieds. Il qualifie ces deux gestes de sacrements sans pour autant faire du Lavement des pieds un des sept sacrements.

Mais, il insiste sur le symbolisme lié aux sacrements et surtout sur la signification de ce symbolisme qui nous renvoie toujours à leur origine : Jésus-Christ qui par ces gestes désire communiquer à ses disciples, dans la foi, une grâce invisible qu’il leur a acquise par sa mort et sa résurrection.

I - Le sacrement de l’Eucharistie

Dans cette perspective, la Cène du Seigneur est le signe du don total de Jésus à son Père en versant son sang pour le salut de l’humanité. Ce repas où le Pain et le Vin sont partagés anticipe l'offrande de Jésus sur la Croix. Entouré de ses disciples, Jésus vit avec eux ce qui est la preuve ultime de l’amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »

Que le Repas de la Cène soit devenu le sacrement par excellence n’a rien de surprenant. C’est de là que tout origine et c’est là que tout conduit pour le disciple. Et ici le rôle du prêtre prend son sens plein. Je me permets de vous citer une phrase du Décret sur le Ministère et la Vie des prêtres du Concile Vatican II qui l’exprime clairement : « En effet, l’annonce apostolique de l’Évangile convoque et rassemble le Peuple de Dieu afin que tous les membres de ce peuple, étant sanctifiés par l’Esprit Saint, s’offrent eux-mêmes en ‘victime vivante, sainte, agréable à Dieu' (Rm 12, 1). Mais c’est par le ministère des prêtres que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens en union avec le sacrifice du Christ, unique Médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains des prêtres, de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même » (PO no 2).

Laissons, ce soir, entrer en nous la grâce invisible du sacrement de l’Eucharistie qui nous permet en union avec le Christ de faire de nos humbles vies un « sacrifice d’agréable odeur ». Cette grâce ne nous fait jamais défaut. Elle se manifeste au fil du quotidien. Elle se manifeste aussi dans les moments plus éclatants parfois. Peu importe les jours et les moments, elle est toujours active. C’est la beauté de ce signe de l’Eucharistie. Tout est pénétré et tout est sanctifié de la présence du Sauveur mort et ressuscité. « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur ».

II- Le signe du Lavement des pieds

Le signe du Lavement des pieds que nous pourrions appeler lui aussi un sacrement dans le sens général du terme sans en faire un huitième sacrement nous fait entrer dans le sens profond de la mort du Seigneur.

Entrer dans le geste du Lavement des pieds est un risque que Pierre à première vue ne veut pas prendre. « « Tu ne me laveras pas les pieds. » Mais Jésus lui répond : « Si je ne te lave pas les pieds, tu n’auras pas de part avec moi. » « Il y a donc, dit saint Bernard dans l’homélie dont je vous ai parlé au début, caché sous cette ablution quelque chose de nécessaire au salut, puisque sans elle Pierre lui-même ne saurait prétendre avoir part au royaume de Jésus-Christ et de Dieu. »

Bien sûr que le signe du Lavement de pieds nous renvoie par l’eau qui est utilisée, au Baptême qui lave les fautes et au Pardon. La purification va de soi, mais le signe du Lavement des pieds, par l’éclat du geste où le Maître s’agenouille devant ses disciples nous invite à une attitude sans laquelle personne ne peut se dire disciple. « C’est un exemple que je vous ai donné afin que cous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ».

Le disciple n’a pas le choix. Il doit risquer lui aussi sa vie en la donnant comme le Maître. Voilà le risque du signe du Lavement des pieds. Pierre l’acceptera avec une certaine précipitation, car on sait qu’il reniera le Maître plus tard. « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête. »

En refaisant le geste de se laisser laver les mains dont le signe est moins fort que celui du Lavement des pieds, nous entrons malgré tout dans la même dynamique. Nous osons risquer d’avancer sur le chemin du don et du service à l’exemple de Celui qui s’est fait le Serviteur de tous. La grâce invisible du signe du Lavement des pieds nous décentre de nous-mêmes et nous fait entrer dans le mouvement de l’Amour fou de Dieu qui se donne en son Fils Jésus.

Conclusion

La beauté des sacrements c’est qu’ils réalisent aujourd’hui ce qu’ils signifient. La prière eucharistique numéro I fait dire au président en ce jour du Jeudi Saint: « Le veille du jour où il devait souffrir pour notre salut et celui de tous les hommes, c’est-à-dire, aujourd’hui, il prit le pain etc. »

Aujourd’hui ces signes de la Cène du Seigneur et du Lavement des pieds s’accomplissent pour nous. Mystère de la foi.

Ainsi, la nuit de la première Pâque du peuple élu en d’Égypte dont fait état la première lecture se perpétue aujourd’hui.

Ainsi, notre célébration eucharistique aujourd’hui réalise ce qu’elle signifie. Le sacrement de l’Eucharistie et le signe du Lavement des pieds produisent leur grâce invisible.

Demandons au Seigneur au cours de notre célébration la grâce d’oser prendre le risque de marcher sur les traces de Jésus dans un monde où son message et sa personne continuent de poser question, mais où les signes de l’Eucharistie et du Lavement des pieds sont de plus en plus nécessaires « pour la vie du monde » comme le dit si bien le thème du 49e Congrès eucharistique international qui se tiendra à Québec en juin 2008 : «L’Eucharistie. don de Dieu pour la vie du monde».

Amen!



Mgr Hermann Giguère, P.H.
Supérieur général du Séminaire de Québec
Le 20 mars 2008.



Jeudi 20 Mars 2008
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