Réflexions

Ces réflexions de Mgr Dagens, évêque d'Angoulême en France et membre de l'Académie française où il dit : «Je ne me résigne pas à la résignation ambiante sur l'avenir du christianisme» peuvent inspirer les catholiques québécois qui vivent eux aussi de tels changements que plusieurs ont envie de baisser les bras.

Quelques pistes évoquées ici pourraient s'appliquer au Québec avec bonheur. Pourquoi pas? Parler de "combativité intérieure" n'est-ce pas une ouverture vers des horizons qui dépassent "l'offre et la demande" dont Mgr Dagens dit: "Nous nous enfermons trop souvent dans la loi de l’offre et de la demande. L’Église serait du côté de l’offre, les autres, du côté de la demande. La demande n’étant pas en accord avec l’offre, il faudrait donc réviser l’offre. C’est idiot !"

L'artisan principal de la « Lettre aux catholiques de France », publiée en 1996 par l'épiscopat français, reconnaît l'affaiblissement institutionnel de l'Église. Mais il récuse les analyses statistiques sur l'avenir du christianisme, qui cachent, à ses yeux, un renouveau en profondeur et actuel de la demande spirituelle

Bonne lecture.


L`OFFRE ET LA DEMANDE
Mgr Claude Dagens, évêque d'Angoulême, a été élu à l'Académie française le 17 avril 2008 au fauteuil de l'historien René Rémond, décédé le 14 avril 2007. Bordelais de naissance, Mgr Dagens, âgé de 67 ans, est évêque d'Angoulême depuis 1993. Il est notamment l'auteur de la "Lettre aux catholiques", une réflexion sur la place de l'Eglise dans la société contemporaine. Ancien élève de l'École normale supérieure et ancien membre de l'École française de Rome, agrégé de l'Université, docteur en lettres et en théologie, Mgr Claude Dagens exerça son ministère de prêtre à Bordeaux, en paroisse et au séminaire interdiocésain, puis à Toulouse, où il enseigna l'histoire des origines chrétiennes tout en étant doyen de la faculté de théologie. Il fut durant six ans évêque auxiliaire de Poitiers, avant d'être nommé évêque d'Angoulême.

La Croix :
Une dizaine d’années après l’enthousiasme suscité par la Lettre aux catholiques de France, la résignation semble dominer la réflexion sur l’avenir des chrétiens. Qu’en pensez-vous ?


Mgr Dagens :
Je conteste le terme d’enthousiasme que vous employez. Car notre Lettre aux catholiques de France a été inégalement reçue : elle est aujourd’hui ignorée de beaucoup, et surtout on l’a parfois comprise comme un bilan du catholicisme français à la fin du XXe siècle, avec une insistance sur notre situation supposée minoritaire.

Pourtant, cette lettre était d’abord un acte de discernement à partir d’une question primordiale : dans les mutations actuelles de la société et de l’Église, qu’est-ce qui s’efface et qu’est-ce qui émerge ? Et comment des catholiques relèvent-ils le défi de la foi ? Ces questions demeurent très actuelles. Et l’obstacle est en effet cette résignation ambiante à laquelle je ne me résigne pas.

Les chiffres sont pourtant implacables…

Nous nous laissons trop facilement déterminer de l’extérieur par des évaluations statistiques : baisse de la pratique religieuse, raréfaction des prêtres, pénurie des vocations, éclatement de la mémoire chrétienne… Ou influencer par une conception de l’Église comme groupe de pression, auquel devraient s’appliquer des catégories sociales et politiques.

Au-delà de ces conditionnements, l’intuition de la Lettre reste toujours valable : quels que soient les difficultés et les obstacles, nous sommes appelés à nous déterminer, non de l’extérieur, mais de l’intérieur de la foi, à partir du premier appel de Jésus à ses disciples, « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. »

Comment vivre concrètement cet appel ?

En appliquant un autre critère, celui du défi. Comme en montagne, il y a deux versants : celui des difficultés et celui des possibilités. Nous avons du mal à les discerner : il y a un affaiblissement incontestable, mais il y a aussi des signes de renouveau en profondeur.

Influencés par des catégories extérieures, beaucoup ne peuvent percevoir ces signes positifs. Dans l’Église, certains catholiques, prêtres et même évêques ne veulent pas les voir… Dans la pauvreté actuelle, se réalise pourtant une recomposition intérieure du tissu de la foi et de l’Église.

Il faut vraiment y croire…

Nous avons peut-être été trop occupés par la réforme des structures régionales et nationales de l’Église. Avec d’autres, je crains que ces réformes nous aient éloignés d’un autre horizon, celui des conditions et des exigences de l’évangélisation. Les conditions c’est que, même en étant moins nombreux, les chrétiens forment l’âme du monde.

Quant aux exigences de l’évangélisation, elles pourraient tenir en deux mots : intériorité et combativité. Madeleine Delbrêl, qui vivait il y a une cinquantaine d’années dans la banlieue de Paris, l’a bien exprimé : la rédemption et l’évangélisation n’arrivent pas de l’extérieur mais passent à travers nous-mêmes, et à travers les gens qui viennent frapper à la porte de l’Église.

Certains courants insistent aujourd’hui sur la combativité intérieure ; ils ont raison, à condition que cette combativité de l’évangélisation soit digne de Jésus. Car Lui ne vient pas de l’extérieur avec la recette de la vie éternelle. Il entre chez Zachée, il parle à la Samaritaine, il marche avec les disciples d’Emmaüs. Cette pastorale du cheminement exige un combat intérieur qui nous appelle à ne pas désespérer quand nous ne sommes pas compris…

Quelles pistes proposez-vous pour l’avenir ?

Le défi est de ne pas nous résigner à n’être que l’Église des catholiques pour les catholiques mais à devenir davantage l’Église catholique du Christ qui n’a pas peur de vivre et d’annoncer le mystère du Christ à tout être humain en attente spirituelle.

Avec quelles priorités ?

Je propose trois pistes. La première consiste à réévaluer l’évangélisation ; il faut décloisonner nos propres catégories. Nous nous enfermons trop souvent dans la loi de l’offre et de la demande. L’Église serait du côté de l’offre, les autres, du côté de la demande. La demande n’étant pas en accord avec l’offre, il faudrait donc réviser l’offre. C’est idiot !

Les demandeurs de Dieu ne sont pas des clients, mais des signes de Dieu. La conversion est certes demandée pour eux mais aussi pour nous-mêmes. Sommes-nous en effet capables de les accueillir et de les aimer comme des signes de Dieu ?


Le deuxième axe touche la liturgie et l’expérience spirituelle. La liturgie est un terrain sensible, mais les signes qu’elle exprime peuvent parler à beaucoup de gens qui ne sont pas familiers du sérail catholique. Il nous faut pratiquer la liturgie non comme un enfermement dans la citadelle catholique mais comme le beau déploiement des signes de la vérité et de l’amour de Dieu.

Lors des baptêmes, des mariages, des obsèques, je suis frappé par l’attention profonde des familles et des personnes présentes : elles sont alors en état d’éveil et d’attente. De même nous ne savons pas assez pratiquer la prière pour elle-même. Non comme un élément parmi d’autres mais comme un temps gratuitement ouvert à Dieu. C’est une demande nouvelle, elle vient des plus jeunes qui attendent ces temps de recueillement et de silence.

Dernier élément, le dialogue. Il y a chez les chrétiens une capacité considérable de relations humaines. Regardez dans les municipalités des villes et villages comme les chrétiens sont sollicités et consultés. Réalisons-nous combien l’Église catholique est profondément liée à d’autres dans notre société laïque ? Il nous faut encore déployer cette capacité de relation.

Une Église idéale existe-t-elle pour demain ?

Il y a une forte tentation à chercher pour demain des solutions immédiates et radicales… Saint Augustin nous a appris à regarder l’Église et la société comme un mélange inextricable. Dieu lui-même a choisi d’habiter notre humanité si mélangée.

De même avons-nous oublié l’eschatologie et sa réalité profonde : l’Éternel est présent dans le temps et les signes du royaume de Dieu sont semés dans la lourde pâte de notre monde. À nous de discerner cette pédagogie divine à base de confiance.

Propos recueillis par Jean-Marie GUENOIS
dans la-Croix.com 11/11/2007 18:35

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Note du webmestre

A propos du dernier livre de Mgr Dagens Méditations sur l'Eglise catholique de France, libre et présente, publié récemnent - avril 2008 - aux éditions du Cerf, on peut lire sur le site de l'éditeur : « Ces paroles de l'apôtre Paul inspirent ce livre qui se présente comme un écho de la grande Méditation sur l'Église du Père Henri de Lubac. Mgr Dagens, qui fut, il y a une dizaine d'années, le maître d'œuvre de la Lettre aux catholiques de France, a voulu livrer dans ces pages son expérience, ses épreuves et ses convictions. En contemplant le travail de Dieu au sein du peuple des baptisés, il montre comment l'Église catholique en France, tout en étant institutionnellement affaiblie, est aussi en état de renouvellement intérieur : elle se reconnaît elle-même non plus comme un bloc, mais comme un corps, peut-être usé ou blessé, mais vivant de la vie du Christ. Elle a le droit de se dire «libre et présente» dans notre société oublieuse de ses racines. Ce livre porte en lui un appel insistant : comprendra-t-on que des temps d'épreuves peuvent être aussi des temps de renaissances, et donc d'espérance ? »

Il est aussi l'auteur de La Nouveauté chrétienne dans la société française. Espoirs et combats d'un évêque (Cerf 2005, Collection L'Histoire à vif), de Le Rosaire de lumière (avec Véronique Margron, Cerf 2003), et de nombreux ouvrages en collaboration.




Tiré de SME-Infonet http://www.webzinemaker.com/sme/, webzine publié par la Société des prêtres du Séminaire de Québec.

17/04/2008

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