Rome propose un nouveau regard sur la loi naturelle. Ce regard est contenu dans un texte de la Commission théologique internationale, préparé de longue main et auquel a contribué Mgr Pierre Gaudette, professeur associé à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval et ancien doyen de la même faculté. Bonne lecture!


LOI NATURELLE, NOUVEAU REGARD
Pour lire le texte complet de la Commission théologique internationale, cliquez ici

La commission est composée au maximum de 30 théologiens de pays divers, nommés par le pape sur proposition du cardinal préfet de la Congrégation et après avoir consulté les conférences épiscopales.

La Commission théologique internationale, créée par Paul VI en 1969, a le devoir d'aider le Saint-Siège et surtout la Congrégation pour la doctrine de la foi, à examiner des questions doctrinales de grande importance. Le président de la Commission est le préfet de la Congrégation, qui est actuellement le cardinal William Joseph Levada.


Voilà sans aucun doute l'un des enjeux du pontificat de Benoît XVI : renouveler la présentation de la loi naturelle, fondement de l'enseignement moral de l'Église catholique. Il s'agit de répondre au défi d'une société qui hésite aujourd'hui à affirmer l'existence de valeurs universelles pour l'homme, indépendantes du consensus, de la mode ou du temps.

Face à ce qu'il nomme le relativisme - terme par lequel il dénonce la remise en cause de principes imprescriptibles aux yeux de l'Église (sexualité différenciée, dignité de toute vie de la conception à la mort naturelle, égale dignité de tout homme et femme…) -, le pape appelle à une réflexion plus approfondie par les catholiques de la loi naturelle.

L'objectif : contribuer à la formation d'une éthique universelle. Benoît XVI a donc chargé la Commission théologique internationale (CTI) de s'atteler à ce travail. C'est chose faite : sous le titre À la recherche d'une éthique universelle, la Commission vient de publier la synthèse de cinq années de réflexion sur le sujet (1).

Pas révolutionnaire, mais de nouvelles perspectives

Le document pourra décevoir ceux qui espéraient une prise en compte, par le Magistère romain, des réflexions des cinquante dernières années en matière théologique (christologie) ou philosophique (phénoménologie). Le cadre reste en effet classique : celui de la loi naturelle fixée par saint Thomas d'Aquin au Moyen Âge (2). D'ailleurs, les seules citations utilisées sont de saint Thomas ou de saint Augustin.

Le texte présuppose cette assurance très thomiste d'une raison de l'homme, capable de voir la vérité en lui (la loi naturelle). Une certitude en la raison humaine que bien des philosophes modernes remettent en cause, avec notamment les théories de la « pensée faible ». Mais on ne demande guère à un texte magistériel, écrit collectivement pour aboutir à un consensus, d'être une oeuvre théologique révolutionnaire !

En revanche, ce document présente de nouvelles perspectives par rapport à la vision classique de la loi naturelle, qui devraient aider les chrétiens à proposer un discours moral face aux enjeux éthiques contemporains.

Ainsi, la CTI a le mérite de prendre en compte le nouveau contexte de la mondialisation qui, de fait, redonne de l'actualité à la recherche de valeurs universelles. Surtout, elle propose une vision très ouverte de la loi naturelle. Dans une première partie, le document commence par observer ce qui, dans les autres traditions religieuses, peut s'apparenter au concept chrétien de loi naturelle. Une manière de dire que le christianisme n'a pas l'exclusivité de cette vérité sur l'homme, dont on peut trouver des éléments dans les traditions hindoue, bouddhiste, les religions africaines, l'islam…

Pas une norme fixée une fois pour toutes

Ensuite, la Commission retrace l'histoire de la loi naturelle, pour dire que ses applications n'ont pas toujours été les mêmes selon les périodes. On a même pu se tromper, reconnaît le document : « La théologie chrétienne, au nom de la loi naturelle, a justifié trop facilement des positions anthropologiques qui, par la suite, sont apparues conditionnées par le contexte historique et culturel. »

L'Église doit conjuguer deux impératifs : d'une part, affirmer qu'il y a, de tout temps et toute époque, des grandes valeurs quant à l'orientation fondamentale de l'homme ; et en même temps, reconnaître que l'homme est inscrit dans une histoire et que les principes seconds découlant de ces valeurs peuvent, eux, évoluer.

Le document de la CTI s'oppose donc à une conception figée, qui ferait de « la loi naturelle un ensemble déjà constitué de règles qui s'imposent a priori au sujet moral ». La loi naturelle n'est pas une norme fixée une fois pour toutes, de manière extérieure à l'individu : ce serait alors « une forme d'hétéronomie insupportable à la dignité de la personne humaine libre ». D'ailleurs, la Commission se garde bien de parler de « normes ». Et elle choisit, pour la définir, de présenter cette loi naturelle de manière dynamique, pour laisser toute sa place à la liberté humaine et à la conscience, « source d'inspiration objective pour la démarche de chacun, éminemment personnelle, de prise de décision ». Une « source » qui fait notre commune humanité.

Des prémisses pour une recherche commune

La Commission théologique internationale insiste sur la nécessité de donner à la loi naturelle un fondement métaphysique : pour les chrétiens, la théologie de la création permet d'affirmer que tout être humain, parce que créé par Dieu, a la potentialité de trouver en lui les lois de son humanisation. Le texte utilise d'ailleurs l'expression d'« ordre de la création », par laquelle certains théologiens protestants parlent de la loi naturelle. Et il en tire des perspectives nouvelles sur la notion d'« écologie humaine ».

Ce document est-il à même de servir de plate-forme commune aux chrétiens et non-chrétiens pour rechercher ensemble « le message éthique contenu dans l'être », selon l'expression utilisée par Benoît XVI ? En tout cas, il en pose les prémisses. Car le récent discours du président des États-Unis au monde musulman l'a encore montré : dans un monde particulièrement complexe et imbriqué, chacun est aujourd'hui en quête de cette « règle d'or » qui fait l'universel.

Isabelle DE GAULMYN, à Rome


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(1) À la recherche d'une éthique universelle. Nouveau regard sur la loi naturelle, de la Commission théologique internationale. Avec une préface de Mgr Roland Minnerath et un guide de lecture du P. Serge-Thomas Bonino. Éd. du Cerf, coll. « Documents des Églises », 192 p., 14 euros.

(2) Voir l'article « La loi naturelle selon Benoît XVI », par Geneviève Médevielle, dans la revue Études (mars 2009).


Article paru dans le journal LA CROIX
et mis sur leur site internet le 10 juin 2009

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Tiré de SME-Infonet http://www.webzinemaker.com/sme/, webzine publié par la Société des prêtres du Séminaire de Québec.

12/06/2009

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