La lecture d'un article de la revue Études recommandé par Mgr Pierre-Olivier Tremblay, évêque administrateur du diocèse de Trois-Rivières au Québec, a suscité chez moi plein de réflexions sur l'Église du Québec parce qu'il mettait bien souvent des mots sur ce que j'entrevois pour notre Église. C'est pourquoi, je vous en donne un aperçu tout en vous recommandant de cliquer sur le lien de cet article qui figure plus bas. Le théologien de grand calibre dont fait était le titre de cet article est MgrTomáš Halík, un théologien tchèque au parcours unique. Théologien et sociologue, Mgr Halík est une figure importante de l’Église tchèque. Plusieurs de ses textes ont eu une forte influence dans de nombreux pays durant la pandémie. Voir à la fin de cet article un résumé de sa biographie.


Mgr Tomáš Halík, théologien et sociologue tchèque (Crédits photo : Petr Novák Wikipedia via Wikimedia Commons)
Mgr Tomáš Halík, théologien et sociologue tchèque (Crédits photo : Petr Novák Wikipedia via Wikimedia Commons)
Cet article ne se propose pas de résumer celui de Mgr TOMÁŠ HALÍK dans le numéro de janvier 2022 de la revue ÉTUDES, je me contenterai ici de situer le cadre de cette intervention du grand théologien tchèque et de citer quelque passages qui, pour moi, pourraient nous guider avec bonheur dans ce que l'Église du Québec qui se défait sous nos yeux est en train de vivre et qui ouvrent des portes sur un avenir à définir et à vivre ensemble. Le titre de l'article de Mgr HALÍK est "Le christianisme instrumentalisé par les nationalismes" mais l'article va beaucoup plus loin dans l'analyse de la situation de l'Église catholique aujourd'hui dans le monde. Bonne lecture. L'article de la revue Études est accessible en cliquant sur ce lien

En commençant son entretien, Mgr Halík note qu'il est né dans une famille d’intellectuels laïques à Prague en 1948. Il se convertit au christianisme par étapes. "Au début, dit-il, il y avait l’attrait intellectuel et esthétique de la culture catholique interdite par le régime : l’architecture des églises de Prague, la musique sacrée, les livres d’auteurs comme G. K. Chesterton, C. S. Lewis, François Mauriac, Graham Green, Julien Green, Léon Bloy, Georges Bernanos et bien d’autres. Ce n’est qu’autour du Printemps de Prague de 1968 que j’ai fait la connaissance de quelques prêtres éminents qui venaient de rentrer des prisons staliniennes, après une quinzaine d’années passées derrière les barreaux. Certains d’entre eux considéraient la persécution communiste comme une pédagogie divine – une purification de l’Église de son ancien triomphalisme. En prison, où ils avaient fait l’expérience d’un œcuménisme pratique, ils rêvaient d’un autre type d’Église, une Église vraiment œcuménique, pauvre, ouverte, au service des gens. Ces personnes m’ont aidé à comprendre l’esprit des réformes du concile Vatican II. Au début des années 1970, certains des livres de Pierre Teilhard de Chardin sont tombés entre mes mains et m’ont ouvert un tout nouveau monde."

Mgr Halík répond simplement aux questions du journalistes qui lui demandent qu'est-ce que son expérience du communisme et ses contacts avec l'athéisme peuvent nous apporter, à nous Occidentaux du XXIe siècle.

Mgr Halík dévelope sa pensée de façon percutante et on le suit avec intérêt. Je me contenterai de vous mettre ici quelques citations que j'ai retenues de ma lecture.

Sur l'histoire de l'Église dans le monde : "Les histoires de vie des chrétiens et l’histoire de l’Église sont une participation mystique au mystère de Pâques, au mystère de la mort et de la résurrection. Les histoires de vie des chrétiens et l’histoire de l’Église ont leurs Vendredis saints, leurs souffrances et leurs descentes aux enfers, le silence du Samedi saint et la joie du matin de Pâques. Le drame de Pâques est la clé pour comprendre le drame de nos vies, et nos expériences nous ouvrent à leur tour à une compréhension plus profonde du mystère pascal.

Sur la priorité à mettre de l'avant dans l'annonce de l'Évangile aujourd'hui : "Le service le plus important que l’Église peut rendre aux hommes d’aujourd’hui est de développer l’art du discernement spirituel dans la vie personnelle et dans la vie de la société, ainsi que l’herméneutique théologique de la culture contemporaine ou, en termes traditionnels, « lire les signes des temps »."

Sur les conséquences de la pandémie pour l'évangélisation : "Dans de nombreux pays, les églises, les monastères et les séminaires se vident. J’ai pris les églises vides et fermées pendant la pandémie de coronavirus comme un signe d’avertissement prophétique : voilà à quoi l’Église pourrait bientôt ressembler si elle ne se réforme pas. Les églises vides, pendant les deux saisons de Pâques silencieuses de 2020 et 2021, ressemblaient à un tombeau vide. (Après tout, même le fou de Friedrich Nietzsche, annonciateur de la « mort de Dieu », comparait les églises aux tombeaux de Dieu.) En pleurant le tombeau vide, nous ne devrions pas rester sourds à la voix qui interpelle : « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Il vous précédera en Galilée, c’est là que vous le verrez. » Cette Galilée d’aujourd’hui, la Galilée des Gentils, je pense qu’elle se trouve au-delà des frontières visibles des Églises, dans le monde des chercheurs spirituels."

Remarques conclusives qui s'appliquent bien chez nous au Québec qui n'a pas connu le communisme, mais qui a vécu dans une chrétienté "moyen-âgeuse" avant 1960: "Je pense que la forme future du christianisme sera la religion au sens de re-legere, « relire ». Nous devons relire attentivement et de manière critique les deux « sources de la foi », la Bible et la tradition. Je suis convaincu que la forme traditionnelle de l’Église et de son rôle pastoral, le réseau de paroisses territoriales, est en train de devenir une chose du passé. Je crois que les centres de la foi (les diverses communautés chrétiennes, les paroisses, les communautés religieuses, les mouvements ecclésiaux, etc.) doivent devenir des « écoles de sagesse chrétienne », des lieux de rencontre pour les « nouvelles lectures », la méditation commune, l’écoute et le partage des expériences de foi. Je suis convaincu que le ministère de l’accompagnement spirituel, qui a une dimension à la fois pédagogique et thérapeutique (au sens le plus large), sera une forme cardinale du travail de l’Église à l’avenir. Il sera probablement plus nécessaire que les deux activités dans lesquelles l’Église s’est engagée jusqu’à présent, à savoir le ministère paroissial et l’activité missionnaire au sens classique du mot. Le ministère de l’accompagnement spirituel s’adresse à tous et pas seulement aux croyants. Cela s’applique aujourd’hui au ministère des aumôniers dans les hôpitaux, les prisons, l’armée et l’enseignement. Je suis convaincu que cela doit s’appliquer dans un avenir proche au ministère de l’Église en tant que telle. Si l’Église doit être une Église et non une secte repliée sur elle-même, elle doit subir un changement radical dans la perception qu’elle a d’elle-même et de son ministère auprès de Dieu dans ce monde."


Notes biographes sur MgrTomáš Halík (né en 1948) tirées de Wikipedia

Tomáš Halík, né le 1er juin 1948, est un théologien tchèque, prêtre catholique, sociologue des religions, activiste politique.

Entre 1972 et 1975, il exerce la profession de psychologue pour la société Chemoprojekt. De 1975 à 1984, il occupe la chaire de psychologie du travail pour l’Institut du ministère du travail. De 1984 à 1990, il est psychothérapeute pour les alcooliques et les narcomanes au sein de la clinique pour le traitement de l’alcoolodépendance du CHU de l’université Charles.

Il étudie la théologie clandestinement et, le 21 octobre 1978, il est clandestinement ordonné prêtre par monseigneur Hugo Aufderbeck à Erfurt en République Démocratique Allemande. Avant la Révolution de velours de 1989, il fait partie de ce qu’on a appelé l’église souterraine' et est un proche collaborateur du cardinal František Tomášek.

Il est professeur à la faculté de philosophie de l’Université Charles de Prague. Prêtre de la paroisse estudiantine située dans l’église Saint-Sauveur de Prague, il est président de l’Académie chrétienne tchèque. En juin 2008, le pape Benoît XVI lui a accordé le titre de monseigneur, en tant que prélat d’honneur du pape.

En 2014 il obtient le prix Templeton pour (d'après la citation officielle) « avoir défendu le dialogue entre croyants et athées et avoir aidé au développement de la liberté de culte dans la Tchécoslovaquie durant la Normalisation ».















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