Par petites touches, le pape Benoît XVI impose une vision nouvelle de la liturgie. Détails dans l'article qui suit.


OU  VA LA LITURGIE CATHOLIQUE?
Plutôt qu'"une réforme de la réforme", qu'il appelait de ses voeux quand il était cardinal, Benoît XVI installe, progressivement, une nouvelle vision de la liturgie au plus haut sommet de l'Église

Une nouvelle vision de la liturgie

Dans les semaines qui viennent, chacun se plaira à guetter les évolutions liturgiques dans les célébrations présidées par Benoît XVI. L’effet du changement de cérémoniaire du pape – la personne chargée d’orchestrer les liturgies – devrait rapidement se faire sentir.

À Mgr Piero Marini, maître d’œuvre pendant vingt ans des grandes célébrations de Jean-Paul II, Benoît XVI vient de substituer un autre Marini, le P. Guido Marini. Avec ce dernier, dans la lignée plus traditionnelle du cardinal Giuseppe Siri, archevêque de Gênes de 1946 à 1987, les célébrations devraient être conformes à ce que souhaite Benoît XVI, attaché à une pratique plus « traditionnelle », sans les innovations du précédent pontificat.

De ce point de vue, ce changement de cérémoniaire est une nouvelle étape dans la « politique liturgique » de Benoît XVI : par petites touches, il installe sa vision de la liturgie au plus haut de la hiérarchie de l’Église.

Se réapproprier le mystère de l’Eucharistie

Avant d’être élu pape, le cardinal Ratzinger s’était prononcé – notamment dans La Croix – pour une « réforme de la réforme » liturgique, afin de remédier à ce qu’il estimait être une mauvaise interprétation du Concile.

Dans son esprit, il ne s’agit pas de restaurer un ordre ancien, mais plutôt de se réapproprier le mystère de l’Eucharistie. Impossible cependant aujourd’hui au nouveau pape d’imposer telle quelle une « nouvelle réforme ». Ne serait-ce que parce que celle issue de Vatican II n’est pas encore aboutie : certains livres du rituel romain en particulier n’ont toujours pas été adaptés. Et s’il est un domaine où l’Église ne peut changer trop souvent, c’est bien celui de la liturgie.

Un nouveau style de pratique liturgique

En revanche, par certaines décisions, le pape a donné en deux ans une inflexion à la pratique liturgique, sensiblement différente de ce qui se faisait avec Jean-Paul II. Ainsi, la réduction du nombre des grandes messes pontificales en plein air, auxquelles il préfère les offices à l’intérieur des églises. Des liturgies sobres, laissant peu de place à la créativité par rapport au rituel. D’ailleurs, même lorsque cela se passe à l’étranger – on l’a vu au Brésil – les célébrations du pape ne font pas droit aux traditions culturelles du pays.


Le rite romain

Autre étape de cette « politique liturgique », la promulgation du motu proprio, en juillet, visant à faire de la liturgie préconciliaire une forme extraordinaire d’un unique rite romain. Certes, l’un des objectifs poursuivis avec ce texte est la réconciliation avec les communautés intégristes qui ont suivi Mgr Lefebvre dans le schisme, pour, comme le confie Mgr Camille Perl, secrétaire d’Ecclesia Dei, la commission chargée de ce domaine, « leur donner le sentiment qu’ils sont aussi dans leur maison dans l’Église catholique ». Mais à Rome, on n’est guère optimiste sur une prochaine réconciliation.

En réalité, ce motu proprio a un autre objectif : il entre dans la vision de Benoît XVI de la liturgie. Pour le pape théologien, la tradition a son importance et, comme le souligne Mgr Perl, il se refuse à voir laissé de côté un trésor comme l’ancien Missel, qui « a contribué amplement à la culture européenne ».

Benoît XVI compte aussi sur un « effet d’influence » entre les deux formes du rite : dans son esprit, la liturgie ancienne pourrait enrichir, par son exemplarité, les pratiques liturgiques modernes. Car, selon Mgr Perl, « les théologies qui sous-tendent ces deux formes de la liturgie sont différentes. La liturgie en rite tridentin est plus théocentrique (c’est-à-dire centrée sur Dieu), mais elle est tout de même bien catholique ! »

Fortes critiques en Italie

Cette vision de la liturgie ne semble cependant pas partagée par tous les évêques. Les plus fortes critiques sont venues de l’Italie, où, selon la presse, des débats extrêmement animés autour du motu proprio ont eu lieu, à huis clos, du 17 au 19 septembre, lors du Conseil permanent de l’épiscopat. Dans ce pays, les groupes intégristes sont très peu nombreux.

Mais la question posée était précisément d’ordre théologique : plusieurs évêques ont estimé que l’ecclésiologie résultant de l’ancien Missel est incompatible avec le concile Vatican II. Selon le quotidien Il Giornale, mais démenti par l’épiscopat italien, les évêques plus critiques auraient proposé de publier une note pour interpréter, dans un sens restrictif, le motu proprio. Ce qui aurait constitué un démenti cinglant pour le pape, dans le pays même dont il est le primat…

Il reste que, selon les diocèses, les applications du motu proprio sont très diverses. Certains, comme Alba, Côme ou Pise, ont posé des conditions restrictives. En Allemagne aussi, constate-t-on à la commission Ecclesia Dei, certains évêques traînent les pieds, « se montrant très formels pour reconnaître que des fidèles favorables au rite tridentin forment un groupe stable ».

Devant ces difficultés d’application du texte, la commission Ecclesia Dei pense élaborer une directive qui permette de préciser les modalités de mise en œuvre. Et le pape pourrait prochainement célébrer la messe en rite romain extraordinaire, c’est-à-dire préconciliaire. Pour montrer tout l’attachement qu’il porte à cette ancienne forme liturgique.

Isabelle DE GAULMYN, à Rome

Article publié le 9 octobre 2007 sur le site www.la-croix.com du journal LA CROIX. Les sous-titres sont de la rédaction.

Tiré de SME-Infonet http://www.webzinemaker.com/sme/, webzine publié par la Société des prêtres du Séminaire de Québec.

09/10/2007

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